La protection contre l’exploitation sexuelle a un coût

Oxfam shop, Headington, Oxford. (Photo : Christian Guthier – CC BY-NC-SA 2.0)

Après le scandale des abus sexuels (voir woxx 1463), Oxfam annonce des mesures pour renforcer la prévention. Mais des dégâts majeurs ne peuvent plus être évités.

« Une commission indépendante va être mise sur pied et disposera avec effet immédiat du pouvoir de mener un examen général des pratiques et de la culture internes d’Oxfam, y compris de son traitement des cas passés de comportements sexuels répréhensibles. » Si les mesures communiquées par la directrice générale d’Oxfam International, Winnie Byanyima, à peine une semaine après les révélations de cas d’abus sexuels – éventuellement sur mineurs – par « The Times » semblent fermes et cohérentes, les dégâts portés à l’image de l’organisation n’en resteront pas moins énormes.

Oxfam compte par ailleurs mettre en place un plan d’action complet « pour renforcer ses dispositifs de prévention et de protection dans l’ensemble de l’organisation, et éradiquer les abus. »

L’affaire jettera en arrière pour des années un travail de solidarité qui se base notamment sur les apports importants d’un grand nombre de petits ou grands donateurs, et sur l’appui de milliers de bénévoles impliqués dans la collecte de fonds, par exemple dans les nombreux « magasins Oxfam » qui ont consolidé son image de marque. La direction – y compris la responsable des programmes internationaux à l’époque, Penny Lawrence – a immédiatement démissionné en exprimant « sa honte et ses regrets », et vient de s’adresser à ses bénévoles dans une longue lettre explicative.

Le sponsoring, une forme de collecte de fonds à laquelle Oxfam a largement recours, est aussi largement mis à l’épreuve avec des firmes qui annoncent leur retrait. Le système des « global ambassadors » vacille : l’actrice Minnie Driver tout comme Desmond Tutu ont déjà décidé d’arrêter leurs actions en faveur d’Oxfam.

En Grande-Bretagne Oxfam, ne soumettra par ailleurs pas de nouveaux programmes au cofinancement public avant que l’enquête, qui sera menée par la commission nouvellement instituée, ne dégage de façon claire que de tels agissements seront empêchés à l’avenir.

Un risque à ne pas minimiser

Pour Christophe Wantz, responsable de la communication et des partenariats de la section luxembourgeoise de l’ONG Ecpat qui lutte « pour un monde sans exploitation sexuelle des enfants », la réaction de Oxfam à l’époque n’était pas conforme aux réglementations internationales. « Si des cas d’abus sur mineurs, qui constituent un crime, sont avérés, une plainte aurait dû être déposée auprès des autorités policières locales », explique-t-il.

Oxfam UK avait indiqué dans une première prise de position avoir procédé à l’époque au licenciement des personnes incriminées sans déposer plainte, car ses conseillers juridiques avaient jugé que la situation catastrophique à Haïti, à la suite du tremblement de terre, n’aurait pas permis de mener avec succès une enquêté sur le terrain. Or, dans ce contexte international particulier, il y avait alors obligation de déposer plainte dans le pays de résidence habituelle des incriminés. Depuis la fin des années 1980, des accords existent entre les États membres des Nations unies pour permettre la poursuite des abus sur mineurs à travers le monde.

Pour les ONG de développement, Christophe Wantz voit trois étapes importantes à respecter au moment du recrutement de personnel destiné à des projets dans des régions sensibles : d’abord prendre des renseignements auprès des employeurs précédents de façon proactive ; puis mener un test psychologique dynamique qui permet de dégager dans bien des cas des comportements ou des allusions qui ne laissent pas de doutes sur les véritables buts poursuivis par les candidat-e-s ; finalement, rendre obligatoire la remise d’un casier judiciaire à chaque embauche. Une mesure qui ne prend évidemment tout son sens que si tous les abus sont régulièrement signalés et poursuivis par la justice.

Le Luxembourg ne connaît pas ou peu d’ONG de la taille d’Oxfam, avec des milliers de collaborateurs, ainsi le danger de l’anonymat qui facilite des abus semble moins présent. Mais cela n’empêche pas que nos ONG de développement devraient prendre à leur tour cette problématique très au sérieux. Si – faute de statistiques et d’études à l’appui – Christophe Wantz ne peut pas affirmer que le milieu de la coopération constitue un terrain favorable à ce type d’abus, il met néanmoins en garde devant le fait que dans des milieux défavorisés, le risque d’abus est toujours élevé. Les mesures préconisées par Ecpat nécessitent un investissement en temps et en argent que tous les bailleurs de fonds, qui se disent sidérés par le scandale d’Oxfam, devront accepter de payer à l’avenir.


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