Le Luxembourg ne veut plus du traité sur la charte de l’énergie

Le Luxembourg sera le huitième État membre de l’Union européenne à quitter le controversé traité sur la charte de l’énergie (TCE), a annoncé vendredi 19 novembre le ministre de l’Énergie, Claude Turmes, à l’issue du conseil de gouvernement.

TCE Energie

Le TCE permet aux multinationales des énérgies fossiles d’attaquer les États prenant des décisions amputant leurs profits. (Zbynek Burival / Unsplash)

« Le Luxembourg sort du Traité de la Charte de l’Énergie (TCE). C’est ce qu’a décidé le Conseil de gouvernement aujourd’hui, sur ma proposition. » Par cette simple déclaration, Claude Turmes a répondu vendredi 19 novembre à la question devenue pressante ces dernières semaines sur le maintien ou non du Luxembourg dans ce traité international d’investissement. De façon tout aussi elliptique, le ministre de l’Energie a précisé sur Twitter les raisons ayant présidé à cette décision : « Même si la modernisation du TCE entraine certaines avancées, l’incohérence avec les objectifs de l’Accord de Paris sur le climat reste réelle. Le traité dans son ensemble reste trop protecteur des investissements dans les énergies fossiles et nucléaires. »

Contempteur de longue date du TCE, notamment  quand il était député européen, Claude Turmes s’était résolument rangé ces derniers mois dans le camp de ceux qui pensaient possible de le « moderniser »  en le rendant compatible avec l’objectif de limitation du réchauffement climatique à 1,5°, tel qu’il est inscrit dans l’Accord de Paris.

L’annonce du ministre, attendue depuis plusieurs jours, intervient alors que plusieurs pays de l’UE ont indiqué ces dernières semaines sortir du TCE : Allemagne, France, Espagne, Pologne, Pays-Bas et Slovénie. L’Italie avait décidé de le quitter dès 2015. Avec le retrait des principales puissances économiques européennes du TCE, il devenait difficile pour le Luxembourg de s’y maintenir ou pour le moins de ne pas prendre clairement position alors que des négociations pour le « moderniser » doivent se tenir ce mardi 22 novembre.

Cette réunion a cependant de fortes chances d’être annulée alors que la Commission européenne n’a plus mandat pour renégocier le TCE, le gouvernement français ayant annoncé qu’il ne soutient plus le texte proposé par l’exécutif européen qui défend obstinément l’idée de sa modernisation sur des bases demeurant favorables aux investisseurs privés. Paris clarifie ainsi sa position ambiguë après avoir dans un premier temps encouragé l’UE en tant que telle à se maintenir dans le traité, tout en annonçant son propre retrait.

Nombreuses plaintes d’entreprises luxembourgeoises

Conclu en 1994 pour faciliter les échanges économiques dans le secteur de l’énergie avec les anciens pays du bloc soviétique, le TCE est un traité international d’investissement auquel adhèrent aujourd’hui 53 pays, dont les 27 États membres de l’UE. Le texte est attaqué depuis plusieurs années par des centaines d’ONG mais aussi des élu-es de tous bords et des scientifiques, dont ceux et celles du GIEC, leur rapport publié en avril qualifiant le texte d’obstacle à la lutte contre le réchauffement climatique.

Au centre du désaccord figure la protection accordée aux multinationales des énergies fossiles, le traité leur permettant de poursuivre des États quand elles jugent leurs profits amputés par l’adoption de nouvelles lois en faveur de la transition énergétique. Les procédures sont initiées à travers le controversé mécanisme ISDS (Investor State dispute settlement), des tribunaux arbitraux privés dont les jugements ne sont pas susceptibles d’appel et s’imposent aux juridictions nationales. Avec 150 plaintes actuellement répertoriées, il s’agit de l’accord de libre-échange suscitant le plus de poursuites de ce type. Avec 23 plaintes, le Grand-Duché est, après l’Espagne et les Pays-Bas, le pays d’où émanent le plus de procédures d’entreprises contre des États. Les plaignants luxembourgeois sont dans leur écrasante majorité des sociétés de participation financière (Soparfi), sans employé-es et sans réelle activité économique dans le pays, de simples boîtes aux lettres en somme.

Demeure une question de poids : le TCE comprend une « clause de caducité » autorisant les entreprises d’exiger des compensations devant les tribunaux arbitraux pendant 20 ans suivant la sortie du traité (le projet de « modernisation » prévoyait de ramener ce délai à 10 ans). « Si les pays de l’UE quittent collectivement et de façon coordonnée  le TCE, cela pourrait neutraliser la  clause de caducité », estime Maxime Combes, un économiste et militant français, bon connaisseur du dossier, interrogé par woxx. L’avis est partagé par le co-président de déi gréng, Meris Sehovic, jugeant sur Twitter que la décision prise par plusieurs pays de l’UE de sortir du TCE est « un signal clair à la Commission de travailler à une sortie coordonnée de l’UE du TCE et à un accord séparé pour neutraliser la clause de caducité ». Mais, reconnaît Maxime Combes, « sur le plan juridique on s’engage là en terre inconnue ».


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