Jean Asselborn a d’emblée coupé l’herbe sous le pied de l’ADR lors du hearing, hier matin, consacré au Pacte sur les migrations de l’ONU.
Le « Pacte mondial sur les migrations sûres et régulières » n’a pas une existence facile. Alors qu’il a été mis sur pied par 170 États membres de l’ONU dans le but d’améliorer les conditions de l’immigration régulière, la table des négociations a été successivement désertée par l’administration Trump, puis par l’Autriche (qui préside à l’UE actuellement) suivie de la Hongrie, de la Pologne, de la République tchèque, de la Bulgarie et de l’Italie. Sur les réseaux sociaux, une campagne de désinformation bat son plein. Cela va du « diktat onusien » à la théorie du complot évoquant le grand remplacement des « Européens » par une population immigrée d’Afrique et du Moyen-Orient.
En Belgique aussi, Charles Michel a été forcé de revenir sur ses engagements à l’ONU. Pourtant, à la Chambre hier matin, Jean Asselborn s’est montré confiant dans le fait que le Premier ministre belge partira, comme lui-même, adopter le texte à Marrakech. Et au Luxembourg ? Le hearing d’hier a été organisé à la demande de Fernand Kartheiser (ADR). Sauf que Jean Asselborn aura d’emblée coupé l’herbe sous le pied du député conservateur.
L’Asti, dans un communiqué publié mardi, avait d’ailleurs mis en garde contre l’ADR (sans le nommer), en estimant que « donner la possibilité aux phantasmes xénophobes des populistes de se faire entendre, c’est leur offrir une plate-forme idéale pour diffuser leurs idées qui sèment la méfiance et la haine ». Et en effet : le ministre des Affaires étrangères, de l’Immigration et de l’Asile ne se sera laissé embarquer dans aucune discussion.
Présentant les grandes lignes du pacte en question, « premier document politique qui traite de la migration » et dont le but serait d’améliorer la coopération afin d’éviter à l’avenir les « situations chaotiques » que l’on connaît, Jean Asselborn a anticipé sur la prise de parole de Fernand Kartheiser, en fustigeant par exemple « l’amalgame volontaire » entre migrants et réfugiés : « Un réfugié est aussi migrant, mais tous les migrants ne sont pas réfugiés », a-t-il notamment déclaré.
Quant à la rumeur principale circulant sur le Net, et selon laquelle le pacte va obliger les parlements nationaux à se plier aux exigences de l’ONU, le ministre s’est voulu clair : « Le pacte n’est pas un traité et la législation nationale n’est pas concernée. » Par conséquent, le document ne pourra pas non plus enrichir le droit international coutumier – autre épouvantail mobilisé par la droite populiste. De toute façon, « un consensus en cette matière semble improbable pour longtemps », comme a donné à penser Jean Asselborn, quelque peu résigné.
Si bien que quand Fernand Kartheiser a finalement pris la parole, tout était déjà dit et le spectacle de son intervention, commenté d’avance. Le député conservateur, qui aura qualifié le pacte de « lame duck » en raison des désistements nombreux qu’il a subis, a néanmoins profité de l’occasion pour s’offusquer de la « discrimination morale des opinions contraires » dans notre démocratie « pluraliste ». Et pour tenter de convaincre l’assemblée qu’« un élément juridiquement non contraignant peut avoir une influence politique ».