Nouvelle constitution : La haine de la démocratie

La décision surprenante de la coalition, en accord avec le CSV, de ne pas proposer une nouvelle constitution pour le Luxembourg découle de la peur de l’électorat tout comme de celle d’une nouvelle dispute politique.

Photos : ANL

15 ans de travaux pour aboutir à ça : au lieu d’une nouvelle constitution qui serait soumise à un référendum populaire, une sorte de nouveau pacte à sceller entre l’État et ses citoyen-ne-s, la classe politique préfère se barricader dans ses arrière-chambres et concocter un deal qui sert avant tout à ne pas perdre la face. Et pourtant, la Constitution luxembourgeoise a besoin de beaucoup plus que d’un nouveau maquillage.

Datant de 1868, elle est bien trop vieille et cramoisie pour être à la hauteur des défis du 21e siècle. Rappelons aussi au passage que ce texte était déjà un compromis à la luxembourgeoise. Après les premières constitutions de 1841 et 1848, très libérales pour l’époque, le roi-grand-duc Guillaume III dissout le Parlement en 1856 pour imposer une nouvelle constitution la même année – dans le but de reprendre le pouvoir sur les instances démocratiques. La Constitution de 1868 a donc été une synthèse des deux derniers textes – et a conservé son lot d’incohérences qui, depuis, ont fait chauffer pas mal de débats. Déjà en 1918, en pleine Grande Guerre et en pleine crise démocratique du Luxembourg, le manque de clarté des articles concernant le pouvoir de la grande-duchesse Marie-Adélaïde provoqua maintes crises et affrontements au parlement – curieusement déjà entre le bloc de gauche de l’époque (qui comprenait les libéraux) et le parti de droite, futur CSV.

Est-ce pour éviter ces imbroglios que les « gros » partis ont décidé de tourner le dos à un des plus grands projets politiques de ces dernières décennies ? En partie sûrement, car après les arabesques du CSV, qui était pour et puis contre et maintenant tout et son contraire, les discussions autour de la future constitution étaient déjà fragilisées. Alors que le texte proposé était le fruit d’une collaboration entre les partis de la majorité et les conservateurs, le fait que le plus grand parti d’opposition a préféré monnayer politiquement son soutien au lieu d’avoir en tête son devoir de servir le pays n’a certainement pas aidé.

Mais pourtant, la vitesse à laquelle cet accord a été trouvé trahit aussi le fait que les partis de la coalition peuvent très bien s’arranger de cette nouvelle donne. La cause en est probablement le référendum qui tombe à l’eau. Après la débâcle de 2015, les coalitionnaires n’ont certainement plus envie de se brûler les doigts. C’est compréhensible, quand on met en avant le risque qu’encore une fois, le vote se ferait plutôt contre le gouvernement et sa politique que sur la future constitution elle-même.

La coalition et le CSV infantilisent l’électorat : de l’eau au moulin des populistes.

Mais ce risque aurait été évitable. Tout simplement en incluant les citoyen-ne-s activement dans l’écriture de la nouvelle constitution. Et pas seulement en organisant des soirées d’information, mais en mettant en place de vraies instances de consultation citoyenne. Certes, ce n’est pas une garantie de réussite non plus, comme le montre la constitution avortée en Islande en 2013, mais du moins une telle démarche aurait été perçue comme une marque de courage politique et de confiance envers les citoyen-ne-s.

Car en procédant de la façon finalement choisie, c’est clair : l’envie de participation à la démocratie est la grande perdante de cette bataille constitutionnelle. Même si en théorie, des référendums sur chaque changement de la Constitution sont possibles, les coalitionnaires et le CSV infantilisent la population en lui enlevant la possibilité de décider.

Ce n’est pas seulement dommage pour l’occasion ratée, mais aussi de l’eau sur le moulin des populistes dont le fonds de commerce a toujours été de mettre en scène un conflit entre les « petits » et « l’élite », afin d’attiser la haine de laquelle ils se nourrissent. Bref, en évitant peut-être une débâcle référendaire, la coalition a déjà programmé les prochaines catastrophes.


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