Politique culturelle : Lunghi se lâche

Longtemps silencieux après son limogeage honteux de la direction du Mudam, Enrico Lunghi, dans une contribution à un symposium, révèle ce qu’il pense profondément de l’évolution de la politique culturelle luxembourgeoise.

La grande rétrospective Wim Delvoye – une des dernières grandes expositions organisées sous l’ère Lunghi (© Wim_Delvoye)

Il y a d’abord eu Catherine Gaeng, la compagne d’Enrico Lunghi, qui s’était lâchée dans un livre incendiaire contre les agissements et les manipulations médiatico-politiques qui avaient chassé le directeur du Mudam – trop rebelle aux yeux du conseil d’administration. Un livre qui avait fait des vagues dans la scène culturelle, sans pourtant faire changer le cap de la politique menée par Xavier Bettel.

Dans une contribution au symposium « Art Museum Practice in Times of Micro-Narratives – Examining Art Museum’s New Attitudes to Their Professional and Socio-Political Contents », qui a eu lieu l’année dernière à Venise, Lunghi lève donc le voile sur sa pensée. Déjà le titre, « Mudam Luxembourg –  How a Public Museum Becomes a Neo-Liberalist Toy », donne le ton. Après une brève revue historique sur l’histoire – souvent pénible – de la gestation du Musée d’art moderne Grand-Duc Jean, l’ancien directeur va au cœur du problème : loin d’être un musée public ouvert à toutes et à tous, le Mudam est devenu un lieu représentatif de l’élite néolibérale. Une élite qui s’en fout totalement que le grand public ne s’intéresse pas à l’art contemporain, ou le déteste même. Ce qui compte, ce sont les belles réceptions dans lesquelles on peut célébrer l’entre-soi – un joyau du nation branding plutôt qu’un haut lieu de la culture démocratique et démocratisée.

Réfléchissant sur le traitement que cette élite avait réservé à sa prédécesseure Marie-Claude Beaud et lui-même, Lunghi écrit : « I have to make clear that it would be wrong to consider Marie-Claude Beaud and myself systematic opponents to the privatization of museum spaces and the promotion of Luxembourg’s image through the activities of the museum. But the point is that for both of us this was not the primary goal of the institution ; only if these activities would not compromise the work of the museum and only if the (symbolic but also financial) benefits for the museum were clearly defined, would we accept it. »

Un équilibre précaire entre intérêts privés et service public que le régime néolibéral de Xavier Bettel et de ses potes placés au conseil d’administration a totalement rompu. Pour Lunghi, la perspective d’ouvrir le Mudam à tous les publics n’a aucune chance de réussir à long terme. Et il va même plus loin en évoquant ses propres questionnements face au rejet parfois violent de son ancienne institution dans la population. Et si celui-ci n’était pas dû à une ignorance et un manque d’ouverture d’esprit, mais plutôt à un refus de la situation hypocrite dans laquelle se trouve le musée : d’une part, une institution culturelle supposément appartenant au contribuable et de l’autre, un temple du néolibéralisme qui justement exclut le commun des mortels.

Bref, si le gouvernement à venir ne change pas dramatiquement de cap, s’il ne fait pas du Mudam un établissement public (au lieu de la fondation de droit privé qu’il est actuellement) et s’il ne vire pas le conseil d’administration asservi au pouvoir et à l’argent, le public n’arrêtera probablement jamais de percevoir ce musée comme une greffe qui n’a pas pris.


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