Protection des données : Port ouvert

La renégociation des accords « Safe Harbor » après leur délégitimation par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) s’imposait – et encore une fois, les Européens ont capitulé devant les exigences américaines.

Pas étanche La renégociation des accords « Safe Harbor » entre Européens et Américains a surtout joué en faveur de ces derniers - malgré un jugement sévère de la CJUE.

Le logo du nouveau « Safe Harbor » – prêt avant que le texte ne soit publié.

Le nouveau logo était prêt avant que les détails du nouvel accord sur la protection des données ne soient révélés. Désormais, « Safe Harbor » s’appellera donc « EU-US Privacy Shield ». Élaboré par les commissions nationales de protection des données des pays européens (qui officient ensemble sous le sigle de G29) et les représentants américains, le nouveau bouclier est avant tout la conséquence d’un arrêt de la CJUE rendu en octobre dernier (woxx 1340/1342) qui a forcé les négociateurs à reprendre de zéro un nouvel accord qu’ils étaient de toute façon en train de fignoler.

Mais suite à l’affaire « Schrems » – du nom de l’activiste autrichien qui à lui seul a défié le géant Facebook devant la CJUE (woxx 1222) -, laquelle a, suite aux révélations d’Edward Snowden, vidé de toute substance les accords préexistants, le G29 n’avait pas d’autre choix que d’adopter des mesures plus strictes pour protéger les citoyen-ne-s européen-ne-s des envies démesurées des services secrets américains.

La montagne a accouché d’une souris

Et, comme souvent, la montagne a accouché d’une minuscule souris. Ainsi, dans son communiqué, le G29 déclare que chaque utilisateur devrait être mis au courant d’où et de comment ses données seront traitées, que l’équilibre entre la nécessité et la proportionnalité des collectes de données a besoin d’être respecté, qu’une instance impartiale devrait exister pour les éventuels litiges et que chacun devrait avoir le droit de contester la collecte de ses données.

Autant de vœux pieux, et le G29 le sait. Sinon, point de nécessité d’ajouter une pique à l’égard de la Commission européenne à la fin de son texte, en rappelant qu’il attend de la part de cette dernière l’accès à tous les documents ayant trait au bouclier transatlantique de la sphère privée.

Pour les ONG, les lanceurs d’alertes et certains députés européens, le « EU-US Privacy Shield » ne vaut même pas le papier sur lequel il est écrit. « C’est une invitation à retourner devant la Cour de justice de l’Union européenne », a ainsi commenté l’activiste Max Schrems sur sa page « Europe vs Facebook », tout en pointant du doigt le problème que les « patates chaudes » – c’est-à-dire les cas où un utilisateur serait vraiment en droit de contester le traitement de ses données par les services des États-Unis – seraient refilées aux commissions de protection des données nationales, qui ne font pas le poids face aux programmes comme « Prism », sous l’égide de la NSA.

Edward Snowden a aussi fait part de ses réticences sur son compte Twitter : « Ce n’est pas un bouclier pour la sphère privée, mais bien un bouclier qui empêche les services secrets de devoir rendre compte. J’ai rarement vu un accord être critiqué de façon tellement universelle. »

Et puis il y a bien une dimension supplémentaire à ce fiasco : en pliant devant les Américains, la Commission européenne nuit aussi considérablement à l’autorité de la CJUE – même si celle-ci pourrait faire vaciller ce nouvel accord.

Et, ce faisant, c’est toute l’Union européenne qui encore une fois s’affaiblit. Mais ça, ça n’étonne plus ces temps-ci.


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