Task forces : Et la lumière fut !

La publication des organigrammes des task forces Covid-19 a été arrachée après une âpre bataille – prouvant que même pendant l’état de crise, la non-transparence est reine au grand-duché.

© SIP/Jean-Christophe Verhaegen

Les questions des journalistes, les revendications du Conseil de presse et de l’ALJP n’ont pas ému le gouvernement. Mais quand l’opposition tout entière monte au créneau pour tirer une salve de questions parlementaires demandant toutes la publication des organigrammes des task forces, le gouvernement craque. Il est vrai qu’il s’était fourré lui-même dans une impasse, suite à la réponse impertinente de Xavier Bettel à une collègue du Wort, où le premier ministre s’était caché derrière la protection des données personnelles pour ne pas donner d’informations sur qui conseille son gouvernement dans la crise. Était-il conscient de la valeur des organigrammes de ces comités qui peuvent influer sur les droits fondamentaux des citoyen-ne-s ? Peu importe, sa non-réponse a mis le feu aux poudres et l’a forcé à montrer patte blanche. Notons au passage que cette publication ne répond pas à toutes les questions posées par les parlementaires et journalistes. Comment la sélection des membres des task forces a-t-elle été faite ? De quel droit le premier ministre se revendiquait-il quand il a refusé de donner ces informations à la presse ? On peut être curieux de connaître les détails.

Une des raisons de la « timidité » du gouvernement est certainement que celles et ceux qui voyaient les cabinets d’audit des Big Four à la manœuvre dans les task forces ont fini par avoir raison. Même plus, le fait que PWC et Deloitte ont mis à disposition à titre gratuit certain-e-s de leurs employé-e-s témoigne de la grande proximité entre pouvoir et cabinets d’audit – même si certain-e-s auront un contrat après deux semaines de gratuité. Ainsi, la cellule monitoring bénéficie des conseils externes d’un collaborateur de Deloitte et de trois de PWC. Il s’agit de personnes spécialisées dans l’analyse de données, les services financiers et la finance « verte ».

Un peu plus de Big Four qu’admis par le gouvernement

La cellule logistique se fait conseiller, elle, entre autres par la « head of international affairs » de la firme Belpharma, qui a une branche au Luxembourg, mais qui couvre selon ses propres dires quatre continents et plus de 35 pays. On y trouve également la directrice du « China Country Program » et spécialiste « tax & financial crime » de PWC, et une consultante externe de PWC (qui travaille sans contrat, ce qui n’est pas précisé dans le communiqué officiel), experte des marchés coréens et chargée du « EU Gateway to Korea ».

Finalement, la cellule de crise profite des bonnes œuvres du propriétaire de la boîte de conseil Quercus, sans qu’il soit mentionné que la même personne est aussi directeur des ressources humaines chez Deloitte Luxembourg et professeur adjoint du master Entrepreneurship and Innovation à l’Université du Luxembourg. Donc, la transparence oui, mais en creusant un peu on trouve encore plus la main invisible des Big Four chez les consultants externes – qui d’ailleurs ne se trouvent pas dans les organigrammes officiels. Finalement, une autre boîte privée, « Santé et prospectives », pas affiliée aux cabinets d’audit, est aussi listée parmi les consultants externes de la cellule de crise.

Bref, une transparence obtenue après une longue bataille et qui ne répond pas à toutes les questions est tout ce qu’on pouvait espérer obtenir en ce moment. Cet épisode montre toutefois qu’un vrai droit à l’information pour la presse est plus que nécessaire : on ne peut pas attendre que l’opposition parle d’une seule voix pour obtenir des données qui de toute façon auraient dû être publiques.


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