ART VIDEO: „On ne concilie pas, on pratique“

C’est une initiative qui a connu une expansion exemplaire ces dernières années. Cette semaine encore, la Konschtkëscht a inauguré une nouvelle succursale à Saarbrücken. Entretien avec Jean Villemin, le responsable du projet.

A le réseau Koschtkëscht entre ses mains: Jean Villemin. (photo: woxx)

woxx: Comment est née l’idée de la Konschtkëscht?

Jean Villemin: On a inauguré la première Konschtkëscht dans la rue de l’Alzette à Esch en 2003, dans les facilités du Clic, l’Internetstuff de la ville d’Esch. C’était d’ailleurs la première du pays à l’époque, bien avant les mesures gouvernementales visant à installer des locaux internet un peu partout dans le pays. A l’époque, on s’était dit qu’il serait intéressant pour nous de développer ce projet, car on est dans l’économie solidaire, dans le réseau Objectif Plein Emploi. C’est dans ce cadre qu’on a mis sur pied un projet culturel avec en particulier les informaticiens qualifiés qui sortent de nos formations. Mais c’est aussi intéressant pour nos formateurs, car nous avons ainsi un excellent terrain de travail pour leurs apprentis-informaticiens.

Pourquoi avoir choisi de travailler avec de l’art vidéo?

Montrer de l’art contemporain ici au Clic est un peu difficile à faire d’un point de vue logistique. L’art vidéo est quelque chose de très vivant, de jeune et aussi facile à montrer qu’à diffuser par le net. Ce qui fait que ça nous intéresse encore plus.

Et des installations multimédia par exemple?

Oui, mais les installations nécessitent beaucoup de place et des lieux mieux adaptés, que nous n’avons pas ici. L’avantage de la bande c’est la légèreté de la matière, relativement facile à mettre en place et aisément accessible au public.

Comment est venue l’idée de procéder à une expansion un peu partout dans le pays et même, comme maintenant, à l’étranger?

En tant que CIGL (Centre d’initiative et de gestion local) nous faisons partie du réseau Objectif Plein Emploi, il nous était facile d’entrer en contact avec les autres communes présentes dans ce réseau. On a fait appel à eux, pour savoir si les autres CIGL souhaitaient aussi s’équiper de matériel et faire partie de notre réseau de programmation et de diffusion. C’est pourquoi Hesperange, Steinfort, Sanem, Luxembourg-Ville et d’autres nous ont rejoints.

Mais l’abbaye de Neumünster ne fait pas partie du réseau Objectif Plein Emploi.

On pensait d’abord à ce qu’il y avait sur le réseau et puis on recherchait des lieux susceptibles d’attirer une audience que nous ne réussissions pas à atteindre. Comme ces lieux exclusivement culturels. La même chose vaut d’ailleurs aussi pour la dernière Konschtkëscht de la série à la Stadtgalerie de Saarbrücken, même si celle-ci est encore différente dans le sens qu’elle se dédie entièrement à l’art contemporain.

Vous arrive-t-il d’avoir des échos de la part des gens qui regardent les vidéos?

Assez peu. Mais pendant un certain temps on a observé les gens qui s’arrêtaient devant l’écran, pour voir leurs réactions et comment ils agissaient.

Vous aviez installé une caméra?

Oui, mais c’était uniquement pour compter. On a pas été plus indiscrets que ça. Après, il y a des personnes qui s’arrêtent et regardent ou ne regardent pas. Il n’y a pas non plus de retours directs en tout cas. Il ne faut pas oublier qu’étant face à la rue et que la programmation est la même pour tout le réseau, on ne peut pas jouir de toutes les libertés artistques. C’est-à-dire qu’on a aussi été contraint de s’autocensurer. On ne peut pas livrer des vidéos au public sans commentaires et sans rien. Il faut accompagner la lecture de ces vidéos et donner aux gens – aussi différents soient-ils – la possibilité de les comprendre.

Est-ce qu’il y a eu des artistes qui ont pu décoller grâce à la diffusion sur le réseau de la Konschtkëscht?

Je ne sais pas si ça peut les aider. Mais je pense que cela les intéresse tout simplement parce qu’on leur achète les droits de diffusion. Et en plus on a tout un réseau d’adresses éléctroniques de gens qui sont intéressés par notre programmation et qui par conséquent s’intéressent aussi à eux. On dispose à présent de plus de 600 adresses éléctroniques où on peut trouver entre autres pleins de lieux et de programmateurs culturels de la grande région et au-delà.

Sur quel critère les artistes sont-ils choisis?

En général, depuis que nous fonctionnons à cent pour cent, les artistes nous envoient des cassettes. Et puis il y a aussi des gens qu’on connaît. On a un réseau qui marche assez bien. Comme par exemple l’artiste qu’on montre en ce moment, Claudia Brieske, qui vient de Sarre. On la connaît déjà depuis plusieurs années et on l’a rencontrée plusieurs fois. Elle faisait aussi partie de la séléction du festival de court-métrages Octobre Rouge qui a lieu chaque année à la Kulturfabrik et dont la Konschtkëscht est aussi partenaire. On expose essentiellement des artistes qui s’intéressent et qui se proposent à nous.

Donc, il n’y a pas de jury qui choisit les vidéos?

Non, le jury est informel. C’est nous qui faisons la programmation. On s’assure simplement que la vidéo puisse coller au tout public et que la personne qui la produit soit professionnelle. Nous avons d’ailleurs refusé certaines propositions, même si après coup on a programmé d’autres travaux du même auteur.

Y-a-t-il une différence dans la rémunération des artistes, en fonction de leur notoriété par exemple?

Nous achetons les droits de diffusion et nous paions des honoraires. Mais ceux-ci sont fixes. Nous sommes tout de même en train de les ré- évaluer, puisque nous avons de plus en plus de partenaires. Et ceux-ci, selon les principes de l’économie solidaire, mutualisent pour faire monter les honoraires.

Vous poussez consciemment certains jeunes artistes locaux ou est-ce un fruit du hasard?

C’est un mélange qui est fait volontairement entre gens connus et d’autres qui n’ont jamais accédé à un tel degré de diffusion. Mais il n’y en a pas un qui fait de l’ombre à l’autre. Les choix sont faits hors de toute pensée de concurrence.

Comment concilier travail social du CIGL et diffusion artistique?

On ne concilie pas, on pratique. On a, par exemple, un site internet Konschtkëscht. C’est les informaticiens du CIGL qui l’ont fait, il en va de même pour les invitations électroniques que nous envoyons pour chaque vernissage. De fait, l’activité qu’on déploie, qui est faite par des ex-demandeurs d’emploi et qui travaillent chez nous maintenant dans des contrats de deux ans au maximum, concilie par la force des choses. Car dans tout ce qui est fait, montré et crée, les personnes qui travaillent ici ont, de près ou de loin, participé. C’est un projet culturel, dans un cadre de l’économie solidaire et du développement local. Le développement local a pour mission de s’occuper de tout, y compris de la culture, ce qui n’est peut-être pas le cas de l’économie solidaire. Mais pour nous, c’est l’occasion de montrer que l’économie solidaire peut aussi participer au développement culturel.

La Konschkëscht participe-t-elle aussi à l’année culturelle 2007?

Nous n’avons aucun projet dans le cadre de 2007. On continue notre douce expansion du réseau dans la grande région. On a pris contact avec des interlocuteurs situés en Belgique et je pense bien qu’on va ouvrir une Konschtkëscht là-bas aussi au courant de cette année. De même pour la France.

Est-ce un choix de votre part de ne pas participer à 2007?

Non, ce n’est pas un choix. Mais bon, 2007 ce n’est pas fait pour durer, c’est un phénomène éphémère qui implique beaucoup de personnes. Ce genre d’évènement est souvent suivi par un grand vide. Et nous on est là depuis 2003 et on espère perdurer et évoluer encore plus longtemps que ça. On traverse 2007 sans émotion et sans trop de stress.

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www.konschtkescht.lu


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