Le nouveau film des frères Coen est un hommage au „screwball comedies“ des années 30 et montre un George Clooney absolument hilarant.
Chaque nouveau film des frères Coen est un hommage à l’univers d’un écrivain américain ou à un genre du passé cinématographique. Après s’être laissé inspirer par Dashiell Hammett pour „Miller’s Crossing“, Raymond Chandler pour „The Big Lebowski“, James M. Cain pour „The Man who wasn’t there“, ou encore le film noir pour „Blood Simple“, ils reviennent – après „Hudsucker Proxy“ – au cinéma profondément humaniste de réalisateurs comme Frank Capra, Howard Hawks et Preston Sturges pour „Intolerable Cruelty“.
Le genre cinématographique visé ici? Les „screwball comedies“ des années trente et quarante, qui n’ont pas connu une grande longévité dans l’histoire d’Hollywood. Le but premier est donc de faire rire grâce à la confrontation de deux personnages de sexe différent et d’apparence „respectable“, qui réagissent pourtant – le plus souvent à l’amour – d’une manière outrancière, proche de l’insanité mentale même.
Dans „Intolerable Cruelty“, nous avons là le célèbre avocat Miles Massey, spécialiste dans les divorces de riches, désabusé par le vide émotionnel que lui laisse sa carrière professionnelle, et la marieuse vénale Marylin Rexroth, à la recherche désespérée d’un divorce qui lui rapportera l’indépendance financière. Entre eux deux, une drôle de guerre des sexes s’agencera, et entre deux cruautés intolérables, l’amour se fraye son chemin.
Pour rire
D’habitude, pour renouveler un genre aussi vieux – et même carrément trépassé dans ce cas-ci – l’on choisit de détourner un peu, voire beaucoup, les règles qui le définissent. Dans „Intolerable Cruelty“, Ethan et Joel Coen restent néanmoins cruellement fidèles aux ingrédients de la „screwball comedy“, happy-end parfaitement prévisible – on ne gâche rien en révélant cet aspect – inclus.
Cary Grant était un acteur phare du genre, notamment grâce à son personnage de paléontologue loufoque dans „Bringing Up Baby“ (Howard Hawks, 1938), et George Clooney est souvent comparé à celui-ci. Si l’on prolonge ce jeu des comparaisons à l’actrice féminine, Catherine Zeta-Jones serait donc la nouvelle Carole Lombard. Et le mélange de contenance outrancière, dont tout deux font preuve ici, est un véritable ravissement. Sans oublier les seconds rôles à la démesure grandiose qu’interprètent ici, avec une joie visible, Billy Bob Thornton et Geoffrey Rush.
Mais si Zeta-Jones est une vamp parfaite, c’est la performance – tout en tics du visage – de Clooney, qui est de l’ordre du grand art. La seule introduction de son personnage est déjà d’une originalité comique éblouissante. En effet, au début vous ne verrez que sa dentition parfaitement blanchie pour le meilleur faux sourire d’avocat possible. (Et on vous assure que cette description de scène qui peut sembler „un peu bizarre“ sur le papier, est tordante à l’écran.)
Kitsch à la Coen
Evidemment les frères Coen ne seraient pas les cinéastes qu’ils sont sans introduire des éléments bien à eux dans cet univers de citation cinématographique qu’est „Intolerable Cruelty“. Le personnage du
tueur à gage en est sans doute le meilleur exemple: un géant asthmatique, dont le handicap pulmonaire causera finalement la fin absurde. Ou encore, ce mariage texan avec son prêtre, chanteur de country. Et puis, leur humour noir décapant est, à nouveau, au rendez-vous. Aussi, grâce à des rebondissements étourdissants, ils arrivent à se jouer la plupart du temps d’une composante kitsch pourtant très imposante dans ce film. Même la fin, ultra-prévisible, passe à peu près, car c’est une deuxième fin que l’on nous propose ici. La première a eu lieu 20 minutes auparavant. Celle-là était même dégoulinante d’un sentimentalisme insupportable (dans le genre: c’est tellement mauvais que cela en devient presque bien), mais elle préfigurait un revirement de l’histoire absolument jouissif. Un revirement qui n’en fait que devancer un autre, encore plus jubilatoire. Et l’humour est résolument au rendez-vous de ce „petit“ Coen.
„Intolerable Cruelty“ est donc un exercice de style plutôt classique. Ce qui vous sera, en définitive, plutôt égal, puisque tout ici est partie de plaisir. Un pur divertissement, qui fait un bien énorme.
A l’Utopolis
I was made for loving you, baby, you were made for loving me…