EXTENSION DU FINDEL: L’aéronef des fous

Les critiques de l’extension du Findel ont du mal à se faire entendre. Pourtant, ils et elles ne manquent pas d’arguments.

Des milliers d’emplois dépendraient des activités économiques à l’aéroport de Luxembourg, c’est pourquoi il faudrait souscrire sans réserve au projet d’extension du Findel. Faut-il être fou pour ne pas souscrire à cette évidence, assenée à coups de communiqués par le gouvernement et le principal parti d’opposition, par le patronat et les syndicats, par les communes quelle que soit leur couleur politique et même par l’association philanthrope Luxemburg Air Rescue? Or, en dépit des apparences, la véritable folie est celle qui frappe les partisan-e-s de l’extension.

D’abord parce que le trafic aérien n’est pas une activité économique comme les autres. Les émissions de CO2 sont considérables et dépassent de loin celles d’autres moyens de transport: sur un trajet comme Hambourg-Berlin, un avion émet deux fois plus de CO2 par personne qu’une voiture et huit fois plus qu’un train. Cela vaut également pour le fret: la moyenne par kilomètre et tonne se situe autour de 500 grammes de CO2. Pour le fret par route ou rail, ce chiffre est d’environ 100 grammes, et plus bas encore pour le transport maritime.

De plus, ces émissions risquent d’augmenter à l’avenir, car, contrairement aux autres sources de CO2, le trafic aérien n’est pas couvert par le protocole de Kyoto. Son effet sur le climat risque de dépasser bientôt celui du trafic routier. Peut-on ignorer cela dans le débat autour d’un aéroport, fût-il régional? La compétitivité du voyage en avion est basée sur l’externalisation des coûts écologiques et autres. Certes, l’avion, même rendu plus cher, serait difficilement substituable comme moyen de transport sur les destinations lointaines. Il en va autrement pour les vols à courte distance, que sont en train de développer aussi bien la Luxair que les compagnies à bas tarifs. Est-il nécessaire de pouvoir se déplacer de Luxembourg à Paris, à Bruxelles, à Sarrebruck en avion? Et pour ceux et celles qui jouent la carte du social contre celle de l’écologie, rappelons que le développement, à la place des lignes aériennes, d’un réseau de transport en commun par rail et par route à l’échelle interrégionale générerait des dizaines de milliers d’emplois nouveaux.

Il est donc possible et souhaitable, à moyen terme, de faire baisser le volume du trafic aérien. Mais cela ne résout pas l’autre grand problème: celui de la répartition des nuisances liées aux aéroports, notamment le bruit. Pour le trafic passager, il y a forcément dilemme. Un aéroport situé en pleine campagne n’affecte que peu de personnes mais n’est pas très efficace du point de vue du rendement – et réciproquement. L’aéroport idéal serait donc celui situé à la frontière d’une zone urbaine et de la campagne. Dans le cas de sites existants imbriqués dans des aires densément peuplées, comme celui du Findel, il s’agit de trouver des compromis. Le concept du „city airport“, mis en avant par Paul Helminger, le bourgmestre de la ville de Luxembourg, implique autant de vols que nécessaires, mais aussi peu de nuisances que possible.

C’est en ce sens que le trafic de fret se trouve dans la ligne de mire des critiques. Il y a peu de raisons d’implanter près du centre d’une ville un „Cargo-Center“ qui diffuse dans toute l’Europe des marchandises arrivées par avion. Alors que le volume des vols de tourisme et d’affaires du Luxembourg et de la Grande Région est relativement stable, la demande pour les activités de fret aérien est totalement délocalisée. C’est cela qui permet aux dirigeants de Cargolux d’exercer leur chantage: soit on agrandit, soit on s’en va.

Il n’est ni surprenant qu’une société comme Cargolux ne voie que son intérêt économique immédiat, ni que les syndicats chechent à défendre les emplois existants. Ce qui est moins normal, c’est que ces syndicats, qui défendent aussi l’intérêt général, ne voient que les emplois en jeu. Car, à quoi bon lutter pour des emplois et une amélioration des conditions de travail, si, parallèlement, en dehors des heures de travail, les conditions de vie de dizaines de milliers de personnes se dégradent? La myopie des responsables syndicaux/ales rejoint ainsi celle de leurs antagonistes patronaux. Et comme dans le fameux tableau de Jérôme Bosch, toutes et tous réclament leur place sur l’aéronef des fous, celle qui navigue à vue, celle qui court au désastre.


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