Echangisme
à l’eau de rose:
un film qui manque d’audace
Le sujet abordé par n’a rien de facile et son approche l’est encore moins. Le thème délicat de l’échangisme n’apparaî t d’ailleurs qu’après une bonne demie-heure d’un film qui débute tout en finesse. Peindre ou faire l’amour, en compétition pour Cannes 2005, est tout sauf un film au parfum de scandale. Tout au plus aborde-t-il l’échangisme sous l’angle d’un couple de quincagénaires bourgeois qui trouve dans cette pratique un „trompe-l’ennui“ certain.
Face au grand silence d’un impressionnant paysage d’Ardèche, Madeleine (Sabine Azéma) se demande comment faire entrer tant de beauté dans son tableau. Alors que Madeleine prépare ses couleurs avec méthode, un homme surgit au loin, pour lentement s’approcher d’elle. Il est aveugle et ce sont les senteurs particulières des couleurs en préparation qui l’ont détourné de sa promenade. Adam (Sergi Lopez) engage la conversation et désigne une maison en ruine que Madeleine n’avait pas vue sur la gauche. Elle y voit plus qu’une belle vue pour un tableau. Elle y voit la solution à la période difficile qu’elle traverse avec son époux William (Daniel Auteuil), préretraité de Météo-France et passablement déprimé. Très rapidement, William se laisse séduire par les nouvelles perspectives que cette maison offre: de quoi s’occuper!
Carré amoureux
Dans ce renouveau de la vie, le couple William-Madeleine retrouve, loin de la ville et de leurs amis habituels, un souffle qu’il semblait avoir perdu. Tout, dans le film des frères Larrieu nous porte doucement vers ce changement: le cadrage intimiste, le confort „cosy“ de la maison, le paysage alentour.
Ce nouvel élan les portera à se lier d’amitié avec Adam et sa femme Eva. Lorsque la maison de ces derniers est détruite par les flammes, Madeleine et William n’hésitent pas à les héberger chez eux. C’est le moment le plus fort, le plus consistant de l’histoire, lorsque se développe une intimité amicale qui amènera les deux couples à se rapprocher de plus en plus, avec le désir qui plane sans qu’aucun n’ose sauter le pas.
Une étape qu’ils franchiront finalement lorsque Adam propose à Madeleine de l’accompagner pour la nuit, laissant Eva et William à la découverte l’un de l’autre. La crise morale qui accablera Madeleine et William sera de bien courte durée face au plaisir qu’ils retirent de ce carré amoureux. S’il y a un reproche à faire aux frères Larrieu, c’est de ne pas avoir su tirer profit de la seconde moitié du film. Les deux réalisateurs effleurent à peine les questionnements des deux personnages à propos des conséquences de cette nouvelle pratique sur leur couple. Quant à la connivence silencieuse qui unit Madeleine et William, elle semble plus due aux limites du scénario qu’à une finesse intimiste voulue.
Reste un carré d’acteurs irréprochables et quelques scènes superbes où il se passe vraiment quelque chose, par exemple lorsque l’aveugle Adam ramène ses deux amis dans le noir absolu de la forêt. L’écran reste noir pendant plus de deux minutes, ne laissant passer que le son, l’angoisse dans les voix de Madeleine et William, obligés de s’en remettre complètement à Adam.
Et si, finalement, les réalisateurs n’avaient pas cherché à creuser plus loin que la présentation d’une jolie carte postale à peine audacieuse, un rien ennuyeuse? Ici, on n’enfonce pas de barrières morales, on entrouvre à peine la porte d’un consumérisme sexuel destiné à mettre un peu de piment dans un couple à l’âge de la préretraite.