Les enjeux de l’année culturelle ne sont pas ceux ceux à quoi on s’attendait. Alors que le mécénat est favorisé par le gouvernement, la perennité de certaines structures semble en danger.
Qu’est-ce que la culture? Une question à laquelle il est difficile de trouver une réponse, tant les réponses définitives varient et se contre-disent. Disons-le d’emblée: la culture n’a a priori rien à voir avec l’art. On a beaucoup tendance à emmêler les deux. Alors que la culture appartient à la sphère publique, doit être compréhensible et accessible pour tout le monde – une sorte d’identifiant ou de miroir bienveillant de la société – l’art est toujours ce qui fait mal, dérange et met en question. Certes, il existe des cas limite où les deux notions ont tendance à se recouvrir mutuellement, mais c’est là l’exception qui confirme la règle.
Prenons par exemple une des grandes expositions de cette année culturelle: All We Need, dans le hall des Soufflantes à Belval. En somme, ce n’est qu’une illustration un brin mégalomane d’une théorie tiers-mondiste un peu ringarde pour le moins. C’est aussi l’illustration la plus pertinente de l’état d’âme des créateurs de l’année culturelle. Faire la morale au public, tout en le distrayant. Ne pas lui faire mal et maintenir le consensus. Cela donne lieu à une exposition certes époustouflante point de vue réalisation et efficace pour sensibiliser le public aux vrais enjeux de la globalisation. Mais cela n’empêche nullement les familles nombreuses de faire encore un saut chez MacDo en rentrant. Et surtout cette expo laisse sur leur faim ceux et celles qui s’étaient attendus à d’éventuelles révélations. Mais, soyons honnêtes: qui va voir une exposition pour en ressortir déstabilisé? Alors que ce serait exactement cela ce que l’art devrait déclencher en nous.
C’est que les personnes qui dirigent nos institutions culturelles sont toutes d’une certaine génération – 68 ou apparentés – et cherchent surtout le consensus avec le public. Lui apprendre quelque chose, certes oui, mais de façon à ne pas heurter ses sensibilités, ni celle du ministère et surtout pas celle des sponsors. C’est ce qu’ils ont appris au cours de leur „longue marche“ à travers les institutions. Et c’est aussi ce qui rend l’arrière-goût 2007 si fade et même légèrement amer. Car le pari qu’ils ont fait avec les pouvoirs en place est perdu d’avance. C’est un peu comme dans Faust: pour accéder à la (re)connaissance totale, l’idéaliste vend son âme au diable.
Car les dernières nouvelles de ceux et celles qui sponsorisent cette débauche de culture spectaculaire ne sont, pour le moins pas optimistes: alors que la secrétaire d’Etat à la culture souhaite encourager le mécénat et le sponsoring – ce qui, en somme, est une façon pas vraiment élégante de signifier que les caisses sont vides – les grandes firmes supposées combler ce „trou“ ne se pressent pas trop pour sauver la vie culturelle du pays. Dans une interview récente avec le magazine „Den Escher“, Lakshmi Mittal, le chef d’Arcelor-Mittal et un des principaux sponsors de l’année culturelle (même si cela fût chose faite avant son arrivée à la tête du groupe) a évoqué la possibilité de certains „remaniements“ dans l’organisation du sponsoring culturel. Même s’il a assuré dans le même souffle que le groupe continuerait à soutenir la vie culturelle, on imagine les tremblements sur les fauteuils des directeurs des institutions culturelles dépendant de l’argent d’Arcelor-Mittal. Et: on n’a même pas encore posé la question de savoir comment une „industrie culturelle“ (sic) entièrement ou majoritairement à la solde de grandes multinationales fonctionnerait.
Que reste-t-il à faire donc? Peut-être qu’un recours à la base serait de mise. Dans le sens où une nouvelle génération devrait insuffler un souffle frais à la production artistique, au lieu de participer à une entreprises prise dans un cul-de-sac. Rendons la culture à l’art et rendons l’art rebelle, sinon ce sera: No future for culture.