NATIONALITE: Appellation d’origine contrôlée

Le gouvernement réforme enfin la législation sur la nationalité. Mais les questions essentielles sur la citoyenneté ne sont toujours pas abordées.

Tout ça pour ça. Des semaines de débats, des mois de tergiversations, des décennies d’immigration. Le Luxembourg, ce petit pays dont plus de 40 % de la population est de nationalité étrangère, ainsi que les deux tiers du salariat, consent enfin à réformer – à nouveau – sa législation en matière de nationalité. Audace suprême, le principe de la double nationalité est enfin acquis.

Luc Frieden (CSV), le ministre de la justice, a défini ce lundi quatre conditions pour l’octroi de la qualité de luxembourgeois: avoir résidé sur le sol luxembourgeois depuis au moins sept ans, réussir la phase d’apprentissage de langue luxembourgeoise, suivre six heures de cours d’instruction civique et ne pas voir été condamné à une privation de liberté supérieure à deux ans.

Finalement, la procédure de naturalisation subira elle aussi – enfin – un sérieux dépoussiérage. Pour rappel: c’est actuellement la Chambre des députés, qui, en huis clos et après examen des dossiers, donne son assentiment final. Les représen- tant-e-s du peuple votent et n’ont évidemment pas besoin de motiver leurs choix. Après tout, le parlement est souverain. Et chaque membre du pouvoir législatif peut refuser la qualité de luxembourgeois à X ou Y pour des motifs qui lui sont propres. Deux exemples véridiques: lorsqu’untel estime qu’X ne peut devenir luxembourgeois parce qu’il a omis de régler une amende pour infraction au code de la route (non, il n’y a pas eu mort d’homme). Ou lorsqu’une autre députée – certainement mue par son sens de la charité chrétienne – se soucie de savoir si l’on peut vraiment accorder la nationalité luxembourgeoise à Y parce qu’il ne perçoit que le salaire minimum.

Enfin, la nouvelle loi va mettre fin à ces déraisonnements caméraux.

Tout le monde applaudit. Oui, mais. La nouvelle législation ne contient pas que des progrès. L’allongement de cinq à sept ans de la durée de résidence, par
exemple. Ou bien ces cours d’instruction civique. Quant à la maî trise de la langue luxembourgeoise, vue la situation linguistique, elle n’est pas nécessaire au Luxembourg (même si elle est souhaitable), contrairement à la France ou à l’Al-
lemagne.

Au-delà de cette réforme, il est toutefois indispensable de poser une autre question de fond: celle de la citoyenneté et des droits civiques et politiques. Et de savoir si la citoyenneté doit absolument être liée à la nationalité ou plutôt au lieu de résidence – on vote là où on vit. Souhaitons que la double nationalité provoque un raz-de-marée de naturalisations et donc d’acquisitions de nouveaux droits politiques. Dans le cas contraire, le Luxembourg restera ce qu’il est jusqu’à présent: un apartheid politique. Après tout, moins de 60 % de la population – donc une petite majorité – jouit du droit de vote au plan national. La démocratie athénienne avait elle aussi ses „métèques“, ses résidents étrangers de second plan. Mais c’était il y a 2.500 ans.

Peut-être faudrait-il rappeler aux député-e-s – ces représentant-e-s d’une partie du peuple – que s’ils légifèrent au nom de tous, ils ne détiennent leur mandat que de quelques-un-e-s. Plus grave encore, la majorité des personnes qui travaillent ici n’ont pas la moindre influence sur les décisions politiques. Franchement, on peut mettre en question la légitimité populaire de la Chambre des députés. Et d’ailleurs, à l’heure où l’ensemble de l'“establishment“ politique est incapable de prononcer le mot „Europe“ sans trémolos dans la voix, il est assez ahurissant de constater à quel point ces mêmes personnes s’attachent tant au concept de nationalité. Car les nations telles que nous les connaissons n’ont jamais été immanentes. Elles sont apparues et elles disparaî tront, pour faire place à d’autres formes de convivialité.

Espérons seulement que dans un futur proche, les prochaines générations considéreront le non-droit de vote des étrangers avec la même incompréhension que de nos jours l’époque où les femmes étaient dans la même situation.


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