DRAPEAU: Réactionnaire

Le Luxembourg n’a-t-il pas d’autres problèmes que de débattre de son drapeau national? Si! C’est justement pour cela que la discussion a été lancée.

Lorsque le président du groupe parlementaire du CSV, Michel Wolter, a présenté à la presse sa proposition de loi ayant pour but la modification du drapeau national, on pouvait s’attendre à ce qu’elle trouve l’écho qu’elle ne mérite pas. Deux semaines plus tard, une initiative pro lion rouge issue de la „société civile“ se constitue et entend „faire pression sur les instances politiques“ pour éviter que la proposition „ne disparaisse (…) dans les méandres des procédures législatives“. L’initiative ne serait pas nationaliste. Elle ne serait même pas patriotique. Il s’agirait juste de donner la possibilité aux gens „de se réjouir de quelque chose de positif“. Comme c’est gentil. Le lion rouge un bisounours couronné?

Certain-e-s objectent qu’il y a bien plus urgent que de s’occuper d’un changement de drapeau. Nous nous permettons de développer un peu plus cet argument: c’est bien parce qu’il y a plus urgent que le débat a été lancé. Il y a exactement un an, Michel Wolter avait fait parler de lui en souhaitant, dans le cadre des débats budgétaires, des économies supplémentaires de 150 millions d’euros. Depuis, les accords tripartites et les lois qui en ont découlé, ont démontré la volonté gouvernementale d’engager le pays dans une phase d’austérité sociale.

Tout indique que les temps seront plus durs. Quoi de mieux alors que de diriger les débats vers des sujets autres que la politique sociale ou économique? Car le patriotisme, c’est un peu comme la monarchie ou la religion: cela ne sert à rien, sauf à favoriser un sentiment d’appartenance commune factice au détriment d’une prise en compte des disparités et injustices sociales, qui sont bien réelles.

Mais la manoeuvre de Wolter et consorts est bien plus inquiétante. Les responsables de l'“Initiativ Roude Léiw“ ne sont peut- être que des idiots utiles au service d’une opération de satisfaction du sentiment patriotique ET nationaliste de la population, voire de son renforcement. Après un printemps footballistique troublé par des débats au sujet de drapeaux étrangers et un projet de loi sur la double nationalité, il était temps de rassurer celui et celle pour qui l’identité nationale rétrécit comme une peau de chagrin. D’ailleurs, cette réhabilitation du fauve médiéval donne l’étrange impression qu’il s’agit aussi, en passant, d’une petite revanche à l’égard de l’écusson portugais qui a connu ses heures de gloire au mois de juin.

Une majorité a beau voir dans le lion rouge un symbole national. Il n’empêche. En restant dans le registre de la symbolique, il convient de se questionner au sujet de la valeur véhiculée par une tricolore d’un côté et des armoiries issues du 12e ou 13e siècle de l’autre. Pour les portes-paroles de l’initiative, le lion rouge ne serait pas „imposé par l’extérieur“. En effet, les drapeaux tricolores sont dérivés de la première république française, fille de la Révolution et des Lumières. Le lion rouge nous renvoie au Moyen Age, cette époque où les seigneurs brandissaient leurs lions ou autres symboles pour guerroyer. Quant à trouver une quelconque trace de sentiment d’appartenance nationale auprès d’un certain Henri V „le Blondel“, comte du Limbourg, de Luxembourg et de Namur, c’est assez osé. Si la tricolore symbolise une certaine modernité, le lion rugissant est tout bonnement rétrograde. Mais après tout, et pour reprendre les paroles du porte-parole de l’initiative, cet emblême n’est dicté „ni par Bruxelles, ni par Kyoto“. Vous avez dit ni patriotique, ni nationaliste? Peut-être bien que l’initiative est tout simplement réactionnaire.


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