Les technologies de capture et de stockage du carbone sont une option controversée pour lutter contre le changement climatique. Alors que Cegedel envisage d’y investir substantiellement, Greenpeace voit dans cette approche une fausse solution.
Une fois de plus, Greenpeace tire à boulets rouges sur le gouvernement à cause de son attitude en matière de protection du climat. En effet, la société Cegedel, en principe contrôlée par l’Etat, envisage d’investir dans une centrale au charbon en Allemagne. Cette centrale serait capable de capturer le CO2 avant qu’il ne parte dans l’atmosphère et contribue à l’effet de serre. Mais l’ONG n’est pas convaincue par cette approche et met en garde : « Le gouvernement va perdre toute sa crédibilité dans sa politique climatique dans le cas où il ne s’oppose pas fermement au projet de la Cegedel d’investir dans une centrale au charbon pour importer de l’électricité. » Aux yeux de Greenpeace, la technologie du « Carbon capture and storage » (CCS), favorisée par l’industrie du charbon, « ne pourra pas contribuer aux objectifs de lutte contre les changements climatiques et comporte de multiples risques ».
La capture du CO2 ne sert à rien s’il n’y a pas un stockage subséquent. De ce côté-là, les incertitudes et les risques sont grands
Or, à première vue, cette approche ressemble à une solution magique à tous nos problèmes : en évitant les émissions de CO2, on pourrait se passer des coûteuses énergies renouvelables et des désagréables économies d’énergie sans mettre en danger le climat. En effet, les centrales électriques à capture de carbone permettent de lâcher dans l’atmosphère jusqu’à sept fois moins de CO2. Cela se paye par des émissions plus importantes en oxydes d’azote et un coût de revient supérieur. Surtout, ces technologies sont en cours de développement, avec des incertitudes sur la date de disponibilité et l’efficacité réelle.
Mais le problème principal est que la capture du CO2 ne sert à rien s’il n’y a pas un stockage subséquent. De ce côté-là, les incertitudes sont grandes et les risques environnementaux dramatiques. Pour le stockage géologique, on envisage d’injecter le gaz dans d’anciens champs d’hydrocarbures. Si le très sérieux « International panel on climate change » (IPCC) y voit une option prometteuse, Greenpeace craint que les multiples trous de forage, même scellés, finiront par donner lieu à des fuites. Le stockage maritime comporte plus de risques encore, notamment en matière d’impact sur les écosystèmes marins.
Le CCS rappelle un peu une autre solution miracle, la fusion nucléaire : efficacité incertaine, délai de développement assez long et déchets comportant des risques à long terme. Cela justifie-t-il un arrêt complet de la prospection ? Pas forcément, car dans une situation difficile, il convient d’explorer toutes les voies de recherche. C’est en tout cas l’opinion de l’IPCC, qui voit dans le CCS une arme contre le changement climatique parmi d’autres. Le risque est le même que pour la fusion : favoriser la capture du CO2 au détriment de l’évitement des émissions. L’IPCC estime qu’un préalable à l’acceptation politique du CCS serait un engagement ferme des Etats en matière de réduction des émissions.
En ce sens, la charge de Green-peace contre Cegedel est de bonne guerre. En effet, la société d’électricité conserve une attitude ambiguë en matière d’énergies renouvelables, offrant de l’électricité plus ou moins verte tout en entretenant le doute sur l’avenir énergétique. Ainsi on lit sur son site, au sujet des énergies renouvelables : « … ces sources ne permettent pas d’assurer une livraison constante en énergie électrique. » Conclusion suggérée : on aura toujours besoin de nucléaire et d’énergie fossile. Il est logique alors que Cegedel investisse dans le charbon. Et tout aussi logique que ceux qui tiennent cette option pour suicidaire s’y opposent avec toutes leurs forces.