CANNABIS: Enfumés

Le cannabis crée à nouveau la polémique au grand-duché. Tandis que Jean Colombera tente de faire avancer sa cause par des moyens discutables, le ministre de la santé se complaît dans l’inflexibilité.

Le face-à-face à la chambre des députés cette semaine entre Jean Colombera et Mars Di Bartolomeo était attendu et n’a pas déçu. Du moins pour celles et ceux qui aiment le spectacle en politique, car aucun des deux n’a vraiment touché le fond de la thématique complexe que représenterait un adoucissement de la législation répressive sur tout ce qui a à voir de loin ou de près avec le cannabis.

Après les polémiques des dernières semaines, avec la fouille des bureaux du médecin et député ADR Jean Colombera et une démonstration de ses patient-e-s devant le ministère de la santé, auxquelles avaient précédé plusieurs questions parlementaires de Colombera, Mars Di Bartolomeo aurait pu mettre les points sur les « i », mais a raté cette occasion.

Mais avant d’entrer dans la polémique, il faut bien différencier deux choses : le mouvement de légalisation du cannabis en tant que drogue, qui – somme toute – reste très marginal au Luxembourg et celui qui veut au moins obtenir une légalisation du cannabis, plus précisément de ses ingrédients, au niveau médical. Que le cannabis puisse constituer une alternative à des médicaments plus forts et comportant plus de risques d’effets indésirables dans beaucoup de pathologies est un fait que les scientifiques prouvent depuis des années. Par exemple, pour les patient-e-s attein-
t-e-s d’un cancer, les médicaments comportant une faible dose de THC (la substance responsable des effets psycho-actifs et donc stupéfiants), peuvent les aider à retrouver l’appétit après une chimiothérapie. Dans la recherche sur le cancer toujours, des scientifiques allemands et français sont en train de prouver qu’une autre substance, le cannabidiol, peut même faire regresser les cellules cancéreuses et empêcher la formation de métastases.

Dans le domaine des maladies psychiques, les effets du cannabis sont plus contrariés et on ne peut pas savoir s’il empire les choses ou au contraire aide les patient-e-s psychotiques.

Pourtant, cela ne veut pas dire que les agissements du docteur Colombera sont la voie à suivre. Le reproche de Mars Di Bartolomeo à son adresse, celui d’avoir prescrit des médicaments à base de cannabinoïdes selon des méthodes non-scientifiques et manquant de sérieux est peut-être le seul qui tienne. Car, la discussion autour de cette substance hautement intéressante devrait se faire sans polémique et sur un double terrain : scientifique et judiciaire. Car, là où le ministre de la santé a tout faux, c’est quand il prétend à la tribune de la chambre qu’« aucun pays européen – même pas les Pays-Bas – ne reconnaissent le cannabis comme médicament ». Reste à savoir où le docteur Colombera s’est procuré les médicaments pour ses patient-e-s, s’ils n’existent pas, comme le soutient Di Bartolomeo ? Le fait est qu’au moins trois médicaments existent qui comportent soit des substances présentes dans la plante ou des substances synthétisées sont sur le marché.

Et l’on se demande pourquoi le ministre reste tellement inflexible. Deux pistes sont ouvertes : le contexte politique difficile dans lequel se trouve Di Bartolomeo avec les médecins sur les barricades contre sa réforme du système de santé, l’a peut-être rendu un peu trop vigilant. En d’autres mots, il n’a pas voulu prendre le risque de se faire traiter de hippie à un moment où déjà sa vie politique est sous tension. L’autre serait celle d’une pression de l’industrie pharmaceutique. En effet, cette dernière ne voit pas d’un bon oeil le développement d’alternatives à ses bombes chimiques qui resteront d’usage tant que les législateurs européens restent inflexibles. En tout cas, il a tout fait pour ne pas faire avancer une discussion qui aura lieu de toute façon, avec ou sans lui.


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