PLACE FINANCIÈRE: L’image d’abord

Président auto-proclamé du « Haut Comité de la Place Financière », Luc Frieden veille à l’expansion de cette même place.

Le secret bancaire, c’était hier. Demain, le Luxembourg sera encore plus intégré dans la mondialisation des flux financiers internationaux. Alors que la crise financière a certes frôlé, mais pas vraiment ébranlé, le bastion luxembourgeois, notre ministre des finances veut redéfinir le cadre dans lequel va opérer à l’avenir la place financière. Il la voit encore plus internationale, plus concurrentielle, plus innovatrice et plus diversifiée. Pour y arriver, il a créé en 2010 le « Haut Comité de la Place Financière » qui remplace le Codeplafi, le Comité de développement de la place financière. Ce dernier était rattaché directement à la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF), l’organe régulateur de la place financière, un peu trop frileux aux yeux du ministre.

Le haut comité sera une sorte de quadripartite entre les organes de régulation, les lobbies bancaires, les « professionnels du secteur financier » (juristes et experts en matière fiscale) et les représentants du gouvernement, qui travailleront la main dans la main pour développer la place financière et pour garantir que le cadre légal suit le pas. C’est que Frieden voulait une structure plus politique pour en détenir le contrôle direct en assumant sa présidence. Le haut comité n’est donc pas un organe de surveillance de la place, chargé par exemple de veiller au respect d’une certaine éthique. C’est bel et bien un instrument de prospection pour trouver de nouveaux débouchés à la place financière.

Dans cette optique, deux sous-comités ont vu le jour. Une « veille réglementaire » observera de près les changements tant au niveau européen que mondial que connaissent les différentes législations financières et les accords internationaux qui s’y rapportent. Le Luxembourg peut ainsi s’y préparer bien avant que ces nouvelles règles n’entrent en vigueur. On connaîtra donc aussi à l’avenir des projets de lois, préparés dans les cabinets des « big four », avisés dans les 24 heures par le Conseil d’Etat et votés sur base d’un rapport dont seul son auteur Lucien Thiel, l’ancien directeur de l’ABBL devenu député CSV, saura apprécier les finesses.

Mais l’avantage d’un système politique, qui sait réagir rapidement au moindre changement en matière financière, ne suffit pas au probable premier ministre. Il a aussi mis en place une « veille de marché » qui sillonnera le monde afin de présenter le potentiel que représente le Luxembourg et de définir de nouveaux produits qui pourraient intéresser les grandes sociétés et les riches en Asie et en Amérqiue latine.

Lorsque après l’automne 2007 le Luxembourg avait pris conscience que sa place financière était construite sur des principes qui se sont révélés peu durables, la classe politique était presque unanime pour clamer une diversification économique en dehors de la seule sphère de la finance.

Luc Frieden dit respecter ces voeux et donne comme preuve un certain nombre de dispositions fiscales nouvelles qui devraient permettre de faire venir au Luxembourg des investisseurs industriels. Mais il affirme en même temps vouloir développer et élargir la place financière qui actuellement représente un tiers des recettes fiscales de l’état et un quart des emplois directs.

Certes le rôle traditionnel du « wealth mangagement » des dépositaires de nos trois pays voisins a déjà perdu de son importance. Mais le marché des fonds de placement, les instruments du marché des crédits internationaux, les activités globales des assurances et les instruments de la « structured finance » lors de fusions et acquisitions de sociétés sont des domaines où le Luxembourg peut proposer ses services.

La globalisation de notre économie va donc encore s’accroître. Une première région-cible seront les Etats du Golfe, que le ministre des finances visitera à partir de dimanche prochain. Peut-être que Luc Frieden est un peu plus chanceux que son collègue du commerce extérieur. Si les émeutes en Tunisie et en Egypte ont certes déjà fait tache d’huile dans d’autres Etats arabes, la stabilité économique de la région du Golfe devrait encore donner quelques années de sursis à leurs potentats et garantir des affaires juteuses à ceux qui veulent s’occuper de leurs richesses.


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