FRONT SYNDICAL: Cent balles ?

Dénoncer les mesures gouvernementales pour mieux renoncer ensuite en échange de compensations, les syndicats ont l’habitude. Mais les arrangements à l’amiable seront de plus en plus difficiles.

Plus de trois semaines après la décision gouvernementale de moduler l’indexation des salaires jusqu’en 2014, un front du refus syndical vient enfin de se mettre en place. Dès avant Noël, le woxx avait estimé que les mesures décidées fragilisaient le principe de l’indexation des salaires et franchissaient plusieurs lignes rouges des syndicats. Les premières réactions des concernés avaient néanmoins été relativement discrètes. Il a fallu attendre mercredi dernier pour entendre le « Front syndical contre la modulation de l’index » marquer son « profond désaccord » avec le texte de loi en cours d’adoption, le dénonçant comme une « réforme structurelle menant à une dévalorisation définitive des salaires et des pensions ».

Le communiqué du front syndical expose les conséquences de la modulation : des pertes de salaires allant au total jusqu’à plus de 60 pour cent d’un salaire mensuel et un retard permanent de plusieurs mois de l’indexation sur l’inflation. Cette mesure renforcerait « la tendance existante d’une répartition des richesses de plus en plus en faveur des entreprises et des actionnaires aux dépens des salariés ». Enfin elle mettrait en péril la paix sociale, en rendant notamment impossibles des conventions collectives de longue durée. Pour empêcher cela, les syndicats ne prévoient ni manif, ni grève – trop longues à préparer – mais annoncent vouloir convaincre les députés de voter contre le texte de loi. En effet, la Chambre devra se prononcer au cours des deux semaines à venir pour prévenir au déclenchement d’une tranche en février selon la réglementation en vigueur.

En plus de l’OGBL et de la CGFP, le front syndical comprend le LCGB, l’Aleba, la FGFC, la FNCTTFEL et le Syprolux. Le nombre de partenaires n’est pas la seule explication des tergiversations syndicales. En effet, les intérêts et les positions des organisations sont assez différentes. On notera que leur communiqué se limite à l’aspect le plus urgent, celui de la modulation jusqu’en 2014. Sur d’autres aspects, notamment la modification du « panier de la ménagère » utilisé pour mesurer l’inflation, la flexibilisation de l’organisation du travail ou les éventuelles mesures sociales compensatoires, un accord ne sera pas si facile à trouver.

Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à lire le communiqué qu’a publié le LCGB de son côté : accord pour enlever tabac et alcool du panier, désaccord pour manipuler la pondération des prix pétroliers… Surtout, le syndicat chrétien demande « une `prime de risque spéciale‘ pour les salariés du secteur privé », afin de « compenser la perte de rémunération subie suite à la modulation de l’indexation », et qui serait à la charge de l’Etat. Cette proposition doit être comprise dans le contexte de l’accord salarial relativement favorable que le gouvernement a concédé à la fonction publique. Cela dit, la jalousie implicite à l’égard des fonctionnaires qui pourraient mieux encaisser l’austérité à venir ne contribuera pas à l’unité du front syndical.

Les syndicats iront-ils jusqu’au bout ? Probablement pas, si le gouvernement ne les renvoie pas les mains vides. Certes, tout reste possible, car le temps presse, et des deux côtés on navigue à vue. Mais un réaménagement des modulations de 2014 et après – une centaine d’euros par salarié – plus la promesse de réindexer les allocations familiales pourraient suffire pour apaiser la colère syndicale. Un apaisement très temporaire : d’après ce qu’il a annoncé, le gouvernement souhaite réaménager durablement le système d’indexation. Cette discussion sera menée en parallèle avec la préparation – qui s’annonce difficile – du budget 2013. Assistera-t-on au retour de la tripartite ? Le gouvernement préférera-t-il des bipartites ou le « Zukunftsdësch » proposé par les Verts ? Finira-t-on une nouvelle fois par avoir recours à une monopartite ? Les paris sont ouverts.


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