Celles et ceux qui ont déjà eu la chance de visiter l’Empire du soleil levant le savent : pour les Japonais, tout doit être illustré, des chiens renifleurs de l’aéroport aux instructions sur les toilettes publiques – chaque action du quotidien est mise en images, ce qui a tendance à produire des chocs culturels drolatiques en série. Que cette culture ait son origine dans l’histoire japonaise, personne n’en doutait, mais pourtant, celle-ci reste méconnue. On préfère laisser au pays du manga et de mille autres folies – ou du moins ce qui nous apparaît comme étant des folies – cette aura mystérieuse et exotique qui nous plaît tant et qui nous sert aussi souvent d’évasion.
L’exposition sur les trésors du Kamigata, qui montre des estampes coloriées sur bois en provenance d’Osaka, de Kyoto et d’Edo (connue aujourd’hui sous le nom de Tokyo) des 18e et 19e siècles, montrée au Musée national d’histoire et d’art (MNHA) en ce moment est une belle exception à cette règle. Premièrement, parce qu’elle est une exposition tout à fait scientifique qui explique les us et coutumes japonais de l’époque. Et puis parce qu’elle est aussi une première sur le sol européen, montrant quelques estampes de maître qui n’ont jamais été vues en Europe. Enfin, un autre point d’intérêt sont les estampes d’Osaka – qui fut la ville portuaire commerciale la plus importante de l’époque – qui, si elles sont toujours restées en retrait par rapport à celles d’Edo, ont déjà attiré très tôt les collectionneurs européens.
Les estampes japonaises sont un phénomène qui a connu son essor grâce à la bourgeoisie ascendante au Japon du 18e siècle. En ce sens effectivement, il y a des parallèles avec le Vieux Continent, où suite à la Révolution française, la bourgeoisie s’occupait aussi du mécénat. Mais sinon, tout est différent. Par exemple le fait que ce sont quatre métiers différents qui sont impliqués dans la fabrication des estampes : le peintre, le ciseleur des planches de bois, l’imprimeur et l’éditeur. Ce dernier était d’ailleurs l’homme le plus important dans le processus et c’est sa signature qu’on trouve encore aujourd’hui sur tous les exemplaires, qui étaient d’ailleurs publiés sous sa responsabilité.
Les thèmes représentés sont larges, mais ils s’attachent en majorité au théâtre traditionnel nippon, le kabuki. Outre des portraits d’acteurs et des publicités pour les pièces, on trouve aussi des représentations des rôles préférés d’acteurs connus – surtout celles de fantômes, qui semblaient être très prisées – mais aussi des portraits privés de gens du théâtre : des hommes faut-il préciser, car les femmes n’étaient plus admises au kabuki depuis le 17e siècle. Dans leur art de représenter, les faiseurs d’estampes préfiguraient déjà un peu l’art du manga, dans le sens où un grand accent est mis sur l’expression des yeux et aussi l’exagération de certains détails qui dénaturent la scène et imposent une lecture qui va dans le sens du créateur.
D’autres estampes plus rares montrent aussi des scènes du quotidien, comme des vues panoramiques de la baie d’Osaka, où s’attardent les bateaux qui livrent le coton, ou un combat de sumo, où le public comprend des spectateurs munis de chapeaux melon à l’européenne, un signe que l’empire nippon s’était à cette époque définitivement ouvert aux influences – et au commerce – étrangers. Même si cette ouverture avait été forcée par la toute jeune marine américaine.
Une exposition d’un grand intérêt donc, et pas uniquement pour les mordus de manga, mais pour toute personne intéressée à une culture si proche et si lointaine à la fois.
Au MNHA jusqu’au 17 mars 2013.
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