Desserrement des restrictions sur l’accès à la nationalité et un éventuel droit de vote pour les étrangers à partir de 2019 : le Luxembourg aurait-il enfin compris que son avenir réside davantage dans les êtres humains que dans le capital étranger ?
En novembre 2012, le ministre de la Justice François Biltgen avait annoncé un grand débat sur la future réforme de la loi sur la nationalité. A l’époque, lors d’une table ronde, il avait laissé entrevoir qu’il pourrait lâcher du lest sur quelques critères – surtout ceux qui se sont révélés être de vrais freins à l’accès à la nationalité luxembourgeoise. C’est le cas par exemple de la durée de résidence. Si la durée totale, qui est de sept ans, ne semble pas négociable pour le ministre, l’obligation d’avoir résidé sans interruption est par contre levée. Cela aidera certainement les enfants d’immigrés qui, suite à leurs études, voire un travail à l’étranger, reviennent au pays et veulent prendre la nationalité luxembourgeoise. Le ministre est également prêt à faciliter l’épreuve du test de langue. Un troisième point d’ouverture demeure cependant bien plus délicat : celui de la réintroduction de la naturalisation par mariage. Biltgen l’avait dit en novembre et ses doutes ne se sont pas dissipés. Car ce que le gouvernement redoute le plus, c’est une marée de « mariages blancs » , voire « arrangés ». C’est pourquoi il prévoit des dispositions encore non spécifiées pour être sûr que chaque naturalisation faisant suite à un mariage soit basée sur de réels sentiments et non sur l’opportunisme. Or, cet exercice d’équilibriste est totalement impossible dans une société qui se veut juste et égalitaire. Il est à craindre que ces mariages-là ne seront que des mariages de seconde zone et que les personnes voulant accéder à la nationalité par cette option seront harcelées de questions et d’inspections et surtout seront à la merci des fonctionnaires qui devront vérifier la « véracité » de leur union. En tout cas, le débat sur ce point risque d’être chaud.
Mariages de seconde zone ?
Pourtant, il faut saluer les manoeuvres habiles de Biltgen et du CSV dans ce dossier brûlant, tout comme celui concernant un éventuel droit de vote des étrangers à l’horizon 2019, comme l’ont évoqué Etienne Schneider et son camarade socialiste Jean Asselborn. Car les conservateurs n’ont pas indiqué la marche à suivre pour ces questions difficiles. Difficiles, parce qu’elles impliquent non seulement un changement de loi, mais aussi une discussion sur l’identité de la nation luxembourgeoise, qui semble dans l’impasse depuis longtemps – coincée entre le ridicule d’un repli identitaire dans un pays à taille anecdotique et l’omniprésente peur de l’autre, de l’étranger et de toute forme d’altérité.
Dans ce contexte, le CSV préfère occulter son leadership et prendre le rôle d’arbitre. Cela lui permet de voir où se positionnent les autres camps politiques, tout en ayant l’opinion publique dans le rétroviseur. Et au bon moment, ils décidera de la marche à suivre. Que la majorité des autres partis, que ce soient les socialistes ou l’opposition, soient favorable aux nouvelles mesures légales et soient plutôt ouverts au droit de vote pour les étrangers n’étonne pas, la loi de 2008 était une pilule difficile à avaler pour beaucoup. Encore moins étonnant : le seul parti ouvertement hostile est l’ADR. Une ouverture du droit de vote aux étrangers lui serait nocive à long terme et il devrait abandonner son agenda identitaire et son discours – mollement, il est vrai – nationaliste.