« Les grandes ondes (à l’ouest) », comédie sociopolitique du réalisateur suisse Lionel Baier, parvient à faire ressentir le souffle révolutionnaire qui balaya le Portugal, le 25 avril 1974, sans tomber dans le pathétique.
Avril 1974. Le directeur d’une radio de Suisse romande se fait sommer par un conseiller fédéral épris de patriotisme de ne plus diffuser que des reportages complaisants et optimistes. Les auditeurs, lui assène-t-on, attendent qu’on leur parle d’autre chose que de crises monétaires ou de risques nucléaires. Le patron décide donc d’envoyer trois journalistes faire un reportage sur l’aide de la riche nation helvète au sous-développé Portugal de Salazar. Une équipe composée d’un technicien à deux pas de la retraite (Patrick Lapp), d’une jeune journaliste idéaliste et pleine d’ambition (Valérie Donzelli), d’un grand reporter amnésique (Michel Vuillermoz) et d’un traducteur portugais fan de Marcel Pagnol (Francisco Belard) est dépêchée sur place. Dans un combi Volkswagen, le trio prend la route pour le Portugal? pour découvrir que les investissements suisses qu’il est censé couvrir prêtent davantage à rire qu’à faire un reportage patriotique. Mais le 25 avril, après 40 ans de dictature fasciste, la mythique révolution des oeillets éclate, et les quatre sont pris dans le tourbillon d’une folle nuit qui va renverser le cours de l’histoire?
« Les grandes ondes (à l’ouest) » fait partie de la « cartographie sentimentale des Européens en quatre volets » de Lionel Baier. En effet, le film constitue la deuxième partie, après « Comme des voleurs », qui raconte l’histoire d’un road trip en Pologne. Des films se déroulant au nord de l’Ecosse et au sud de l’Italie devraient suivre. Le réalisateur d’« Un autre homme », satire sociale sortie en 2009, et de deux documentaires sur la Gay Pride (« Parade ») et sur son père (« Mon père, c’est un lion ») signe donc ici son quatrième long métrage.
« Les grandes ondes (à l’ouest) » est une comédie douce-amère à dimension sociale et politique. Construit comme un road movie où sont contraints de cohabiter des personnages que tout oppose, le film revendique l’héritage des comédies populaires italiennes des années 1970, sautant du rire au politique et vice-versa. Lionel Baier dit dans « Libération » avoir conçu le film comme un « hommage » autant à l’idéal (loin d’être atteint) d’une Europe unie, démocratique et pacifique qu’à ses camarades de classe issus de la communauté portugaise en Suisse, amis d’enfance « à qui [il] doit d’avoir réalisé, enfant, que la démocratie et la liberté ne vont pas de soi ». Et ça, on le remarque : à travers tout le film, on ressent un souffle révolutionnaire et libertaire, qui contamine le film comme les personnages, entre séquence de comédie musicale portée par une troupe de femmes cagoulées façon « Pussy Riot » et discours surréalistes prononcés par le personnage que joue Michel Vuillermoz, le grand reporter Cauvin. Même si, au début, le film s’annonce un peu lourd, Baier ainsi que ses excellents acteurs réussissent à convaincre dans la deuxième moitié par le développement des personnages à travers les évènements de la révolution des oeillets. Les personnages, à première vue inadaptés au contexte dans lequel ils évoluent, deviennent plus drôles et plus touchants au long du film. Finalement, Lionel Baier réussit à parler sans pathétisme d’une période, courte certes, pendant laquelle on pouvait croire que tout était possible. Une comédie sociopolitique très sympathique.
Ce film a été présenté le 29.4 dans une séance spéciale en collaboration avec le Centre de documentation sur les migrations humaines.
Espérons qu le film « Les grandes Ondes (à l’ouest) » sera à revoir au Luxembourg.