Climat et commerce : Sois libre et change !

Pour ou contre le libre-échange ? La société civile est plutôt contre… mais pas toujours. Le commerce et la mondialisation en général recèlent des dangers, mais aussi des chances pour l’humanité.

2015, année (provisoirement) la plus chaude depuis 1880. (Photo : Nasa / PD)

2015, année (provisoirement) la plus chaude depuis 1880. (Photo : Nasa / PD)

« L’heure est venue de supprimer les obstacles au commerce… » Non, cette phrase n’est pas issue d’un pamphlet pro-CETA ou pro-TTIP écrit par des lobbyistes au service des multinationales. Elle se trouve en haut d’une lettre adressée à la commissaire européenne pour le commerce et est signée par cinq ONG, dont Greenpeace – par ailleurs en première ligne du combat contre les traités transatlantiques. Paradoxal ? Oui, même en tenant compte du fait que la lettre en faveur du libre-échange concerne le commerce des panneaux solaires. Et oui, les obstacles en question – augmentant le coût des panneaux importés – ont été mis en place par la Commission européenne, d’habitude si libérale.

Le libre-échange contribue-t-il à la lutte contre le changement climatique ? Dans la mesure où il a rendu les investissements dans des installations solaires plus attractifs, il a un effet bénéfique. Une partie de l’industrie solaire européenne est évidemment moins enchantée par la concurrence asiatique et a poussé la Commission à prendre des mesures « antidumping ». Et il est indéniable qu’en quelques années seulement, les producteurs chinois ont submergé le marché européen des panneaux solaires. Même si, comme dans d’autres secteurs, cela a été bénéfique en réduisant les coûts, il reste le danger qu’avec l’industrie solaire européenne s’évaporent aussi les compétences technologiques dans ce secteur d’avenir.

Mais ce n’est pas cela qui inquiète le plus l’ONG altermondialiste Attac quand elle écrit que « l’accord UE-Canada n’est pas compatible avec l’accord de Paris ». En effet, les mécanismes de protection des investissements risquent d’être retournés contre des politiques climatiques ambitieuses ou des restrictions mises à l’extraction ou à l’importation de ressources particulièrement polluantes comme le charbon ou le gaz de schiste. Du moment qu’une entreprise estime que ses profits seraient réduits par une telle mesure, elle peut saisir le fameux tribunal d’arbitrage. De surcroît, seul le protocole additionnel comporte une référence à l’accord de Paris, alors que la protection des intérêts commerciaux est inscrite au cœur même du CETA.

Réfléchir et réguler globalement, pour mieux agir et s’adapter localement, c’est la devise d’une mondialisation bénéfique.

Cette analyse reprend une idée très répandue au sein de la société civile : plus on relocalise l’économie et la politique, mieux c’est. Hélas, les choses ne sont pas si simples. Une étude du réseau de recherche « Climate Strategies » confirme les menaces que les accords de libre-échange font peser sur les politiques climatiques. Mais elle souligne également la chance que représentent ces traités pour diffuser mondialement des standards environnementaux et réduire les subventions aux carburants fossiles. Pour cela, il faudrait cependant changer et l’esprit et la lettre de ces traités. Le commerce devrait être considéré comme un outil au service des politiques environnementales, et des clauses mentionnant les objectifs climatiques internationaux devraient être incluses. Hélas, il n’est pas sûr que ce point se trouve à l’ordre du jour de la conférence climatique de Marrakech qui débute le 7 novembre. Les puissants de la politique et de l’économie ont bien plus de mal à se remettre en question que la société civile.

Réfléchir et réguler globalement, pour mieux agir et s’adapter localement pourrait être la devise d’une mondialisation bénéfique. Pour les altermondialistes et les critiques des accords de libre-échange, est-ce la peine d’en discuter ? Oui, même si les accords actuellement en discussion ne vont guère dans ce sens. Car, a contrario, quoi de plus absurde que de prôner le repli sur soi économique et politique – alors qu’on a comme objectif de protéger l’humanité entière contre le réchauffement à l’échelle mondiale ?


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