COP25 à Madrid : cela arrange les officiels

Comment la conférence climatique a été déplacée du Chili vers l’Espagne et pourquoi tout va très bien.

Dans la zone blanche : rencontre officielle entre António Guterres et Nancy Pelosi. (Office of US House Speaker ; PD)

Cela a fait l’effet d’un coup de tonnerre : jamais une COP n’avait été annulée à si courte échéance. COP signifie « conference of the parties », réunion des pays signataires de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (UNFCCC). En fait, le Chili a été une sorte d’étape intermédiaire, puisque initialement la COP25 devait avoir lieu au Brésil et qu’elle a finalement été retransférée en Espagne (voir online-woxx « Von Santiago nach Madrid »).

Cela n’était pas gagné d’avance. À part l’option évidente de passer directement à la COP de fin 2020, le secrétariat de l’UNFCCC semblait avoir plusieurs options : organiser la conférence à son siège, à Bonn, ville qui a déjà plusieurs fois fait office de bouche-trou, ou au Costa Rica, qui avait été le partenaire du Chili dans la préparation de la conférence. Certain-e-s expert-e-s avançaient aussi les noms d’autres pays d’Amérique latine comme l’Argentine (éternel concurrent du Chili) ou le Mexique (dont est originaire la secrétaire exécutive de l’UNFCCC Patricia Espinosa). C’est d’ailleurs sans doute l’hispanophonie des personnes impliquées qui a facilité l’acceptation rapide de la proposition de Pedro Sánchez, président du gouvernement espagnol – combiné au fait que la Feria de Madrid était disponible aux dates initialement prévues. Cela a évidemment facilité le planning des diplomates et lobbyistes, qui n’ont eu qu’à échanger leurs billets d’avion et leurs réservations d’hôtel.

L’Espagne, si proche et si loin du Chili

Si le Chili a renoncé pour cause d’instabilité politique, l’Espagne n’est pas pour autant un havre de paix ces temps-ci. Trois semaines avant la COP ont eu lieu des élections législatives, parce que les précédentes, en avril, n’avaient pas dégagé de majorité. Le pays continue à souffrir des conséquences économiques et sociales de la crise de 2008, et l’institutionnalisation de partis protestataires comme Podemos et Ciudadanos fait que désormais le mécontentement s’articule à travers des groupes extraparlementaires et… l’extrême droite. De surcroît, le conflit autour de l’indépendance catalane peut faire craindre que l’occasion de la COP soit utilisée par les indépendantistes pour attirer sur eux l’attention mondiale.

À ce jour, l’Espagne ne dispose d’ailleurs toujours pas d’un gouvernement représentant le résultat des élections du 10 novembre. Pour la COP, cela est moins dramatique qu’on pourrait le croire, car ce n’est pas l’Espagne qui préside l’événement. En effet, le Chili continue, sur base du travail déjà fourni, à présider aux négociations climatiques. Certes, le président Sebastián Piñera est plutôt occupé à concocter des réformes sociales pour son pays… ou à tenter d’écraser les mouvements populaires, selon qui fait la description. Mais la ministre Carolina Schmidt effectue un plein-temps à Madrid – parions qu’elle trouve plus agréable de « sauver le monde » plutôt que d’affronter le courroux populaire dans son propre pays.

Un des aspects intéressants de cette conférence sera justement de voir si l’expérience chilienne se répercutera sur la manière dont on abordera le fameux article 6 de l’accord climatique de Paris de 2013. Il s’agit de préciser comment des mécanismes de marché peuvent faciliter la lutte contre le changement climatique. Or, le mécontentement du peuple chilien devrait semer le doute sur les bienfaits supposés du libéralisme économique et conduire à favoriser une forte régulation plutôt que de laisser libre cours à la logique des prix et des profits. Ce sont là en tout cas des revendications avancées par la société civile. Malheureusement, celle-ci est moins bien représentée à Madrid qu’elle ne l’aurait été à Santiago – raison pour laquelle la relocalisation de la conférence, bien acceptée par les délégations officielles, a été vivement critiquée par les ONG chiliennes et internationales (voir online-woxx : « COP25 à Madrid, défis pour la société civile »).

 


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