« Caméra silex patates germées » est un joli cafouillage concocté par des étudiant-e-s français-e-s à la recherche du sens de l’évolution.
Ce n’est pas la première fois que le Casino invite les étudiant-e-s de la Haute École des arts du Rhin Mulhouse-Strasbourg (HEAR) au Luxembourg. Déjà en 2016, la promo de cette institution, née en 2011 de deux autres écoles supérieures d’art, avait pris d’assaut la galerie Beim Engel – sous la curation du Casino. Les artistes-étudiant-e-s appartiennent à l’unité de recherche « Faire-Mondes » du HEAR, portée par l’option art. Ses spécialités sont les pratiques artistiques et urbanités contemporaines, l’écologie des récits visuels à l’ère globale et la biographie sociale des objets. Bref, rien qu’on puisse comprendre à fond sans avoir ingurgité l’intégrale de Bourdieu, Deleuze ou Agamben…
C’est aussi le reproche qu’on peut faire à une grande partie des quelque 21 exposant-e-s : un académisme poussé parfois au-delà des limites du compréhensible. Un problème qui certes devrait évoluer, vu que la plupart n’en sont qu’au début de la recherche de leur propre langue artistique – aux gazouillis de bébé parfois difficiles à interpréter donc. Et pour les accueillir, il est aussi compréhensible que le cadre soit aussi large que possible. Il va de la patate, nommée ainsi pour ne pas être confondue avec le Saint-Père (« papa » désignant le tubercule en quechua et le pape en italien), à la camera obscura, qui sert à fabriquer et à montrer des images, en passant par le silex, qui évolue dans les fonds marins.
Ce qui n’empêche pas de découvrir quelques joyaux, comme « Un parfum de liberté » d’Adrian van Nagel, œuvre critique et politique qui questionne la résistance de l’individu au désir de croissance de l’humanité à travers une installation aussi simple qu’efficace. Derrière une bibliothèque blanchie où (presque) tous les livres blancs sont anonymes, se cache une installation vidéo où l’artiste… ne mâche pas ses mots, au premier sens du terme.
Impressionnante aussi la vidéo « The Hills Are Alive » d’Anouk Nier-Nantes. Parodiant le titre d’un classique du film d’horreur, « The Hills Have Eyes » de Wes Craven, elle se concentre sur la mythologie antique – ou plutôt ce qu’il en reste. Car parmi les sept collines d’Athènes s’en trouvent trois qui ne font pas partie du patrimoine artistique, quoiqu’existant depuis l’Antiquité. L’exploration documentaire entre dans un univers où se croisent crise économique et grande histoire.
Dans le répertoire du mythe, on retrouve aussi le travail de Ludovic Hadjeras, « Ne jamais douter de l’invisible », qui évoque à sa façon le retour du loup – revenu en France en 1992 depuis l’Italie. Une installation toute simple avec une simili-tente et un tissu de camouflage qui laisse beaucoup de place à l’imagination.
La prouesse technique de « Caméra silex patates germées » est sûrement « I’ve Met Her on the Edge of Reality » de Sandro Berroy. Une installation de réalité virtuelle dans laquelle on peut s’immerger grâce à un casque, qui simule une petite pièce avec des fauteuils en cuir rouge, une table et un téléviseur qui reprend des chansons écrites par un programme à partir des 750 chansons interprétées par Elvis. Questionnement sur la mémoire numérique ou pièce d’entrée en enfer, c’est selon les goûts…
En tout cas, vu que l’expo se termine ce dimanche, hâtez-vous pour découvrir peut-être un-e des artistes en vogue dans une dizaine d’années !