Finances publiques : Stabilité relative

Le débat sur les perspectives économiques et financières à moyen terme n’a pas eu lieu.

Personne ne le contestera : depuis qu’il a accédé au poste de ministre des Finances, Pierre Gramegna a su développer ses capacités rhétoriques. À la fin du très long débat sur le « programme de stabilité et de croissance (PSC), le programme national de réforme (PNR) et le plan pour la reprise et la résilience (PRR) » ce jeudi matin, il a ainsi utilisé l’astuce consistant à ne pas répondre directement aux questions que les différent-e-s député-e-s lui avaient posées, mais à lister dans sa réplique un certain nombre de questions qu’il s’est posées lui-même et auxquelles il s’apprêtait à répondre.

Ce qui lui a permis d’argumenter sur des reproches que personne ne lui avait faits, concernant par exemple l’instauration d’un crédit d’impôt flexible afin de compenser l’impact de l’introduction de la taxe carbone pour les plus faibles. Ce qui avait été contesté était l’insuffisance de cette mesure, qui aurait pu être assortie d’une prise en compte de cette taxe dans le calcul du taux d’indice.

Mais le grand problème de cet important débat autour des perspectives économiques et financières à moyen terme de notre pays était le manque de préparation des parlementaires, dû à la remise très tardive des documents sur lesquels la chambre avait à débattre.

Les trois volumes, qui comportent plus de 360 pages en tout, avaient été remis aux député-e-s sous forme numérique vers 15h30 lundi passé, pour être présentés lors d’une commission jointe vers 17h. La présentation publique à la Chambre s’est faite le jour d’après, et finalement le débat a donc été fixé au jeudi matin. Cependant, suite à une décision de la majorité parlementaire, la Chambre siégeait en plénière mardi après-midi et toute la journée de mercredi.

À moins d’y passer une nuit blanche, les député-e-s se sont donc vu-e-s dans l’impossibilité de prendre connaissance du dossier dans son intégralité. Même les expert-e-s des différents groupes et sensibilités politiques, du moins de l’opposition, ont dû faire état de leur frustration à cet égard.

Comme souvent quand il s’agit de débattre sur un document dont seul l’auteur a la maîtrise, c’est un dialogue de sourds qui s’est installé. Comme au sujet des 11 milliards d’euros que le gouvernement luxembourgeois aurait « investis » en 2020 dans la lutte contre la pandémie. Le ministre se défend et dit avoir, lors de son discours, parlé de mobilisation de cette somme. Les investissements réels, sous forme de paiements accordés ou de réductions d’impôts ou de cotisations, ne se sont élevés en vérité qu’à 2,6 milliards. Pour arriver aux 11 milliards, il faut ajouter des garanties et des reports de paiement. Ce chiffre global, qui peut paraître un peu fantaisiste, n’est cependant pas une invention du gouvernement, mais correspond à une grandeur demandée par la Commission européenne dans le cadre de la remise des rapports discutés.

Le poids du secteur financier dans l’économie et les recettes de l’État a encore augmenté.

Ce qui n’a pas été contesté lors du débat est le rôle que la place financière a su jouer pour limiter les dégâts que la pandémie aurait pu causer : la chute du taux de croissance et l’augmentation de l’endettement pour 2020, avec -1,3 pour cent pour l’une et +2,6 milliards pour l’autre, sont loin des estimations qui avaient encore servi en décembre pour élaborer le budget de 2021. Tout ceci grâce à un secteur financier dont le poids dans l’économie et dans les recettes de l’État a encore augmenté.

Le débat qui n’a pas eu lieu, bien qu’il ait été proposé par Déi Lénk, voire des députés de la majorité, a été justement celui sur les nouvelles perspectives pour cette même place financière, au vu des récents développements aux États-Unis. Le document sur le pacte de stabilité et de croissance présenté par le ministre des Finances l’invoque à un seul endroit : « Enfin, les développements internationaux en matière de fiscalité internationale des entreprises, dont la fiscalité numérique et le plan d’action BEPS de l’OCDE, qui ont reçu une nouvelle impulsion avec l’arrivée au pouvoir de l’Administration Biden aux États-Unis, constituent à la fois un défi et une opportunité pour l’économie et les finances publiques luxembourgeoises. »

Le ministre des Finances se dit optimiste à cet égard, mais pourquoi alors le passage invoqué se retrouve-t-il à la fin du chapitre intitulé « risques et incertitudes » ?


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