Les nouvelles écrites par Jean Back flirtent souvent avec une réalité un peu onirique. La société y est bousculée à l’aide de piques qui ne constituent pas des attaques frontales, mais de petites brèches dans le mur bien solide de la normalité libérale. De l’ex-directeur du CNA, on avait donc aimé « Zalto mortale », son dernier livre en date, pour son humour pince-sans-rire et la cocasserie pourtant sérieuse de ses situations. « Iesel », paru chez Guy Binsfeld, reste dans la même veine. Le banquier Till a tous les symptômes de la réussite, Porsche comprise, et une famille adorable qui vit dans un magnifique moulin restauré. Pour faire plaisir à ses enfants, il leur offre… un âne. Mais rapidement, l’animal va devenir, à cause d’un concours de circonstances, le confident de Till, qui va lui tenir régulièrement des monologues où affleure un mal de vivre qu’on ne soupçonnerait pas chez un « winner » comme lui. « D’Liewen ass e Floss vum Noeneen, vum Hannereneen… zevill Matenee bréngt nëmmen Duercherneen », en vient-il même à penser. Dans ce conte moderne, l’âne n’est évidemment pas le plus bête et la société – luxembourgeoise, mais il serait plus juste de la qualifier d’occidentale – est encore gentiment égratignée. Le style est enlevé et agréable, même si l’on aimerait tout de même que Jean Back développe un peu son propos. En effet, ce court texte trouverait tout à fait sa place dans un ensemble de nouvelles plus épais qui apporterait contraste et diversité, mais semble un peu isolé ainsi publié. Drôle de choix de l’éditeur que ce petit livre avec cette seule histoire.
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