Si certains opéras d’Antonio Vivaldi rencontrent de temps en temps les faveurs de la programmation lyrique, « Arsilda, regina di Ponto », proposé au Grand Théâtre, n’est pas souvent monté. Une aubaine, d’autant que, pour une fois, la salle n’est pas complète des semaines à l’avance.
Rien n’aura fait aussi mal à la réputation du compositeur Antonio Vivaldi que la musique d’attente téléphonique. Le « Prêtre roux » vénitien a pourtant à son actif un impressionnant catalogue d’œuvres, qui va bien au-delà des rabâchées « Quatre saisons ». Des opéras, d’ailleurs, on ne sait pas trop combien : le chiffre de 46 a longtemps circulé, et puis les dernières recherches musicologiques pencheraient plutôt pour 90, en comptant les pastiches et remaniements très prisés à l’époque baroque. Pourtant, peu trouvent leur chemin vers la scène.
C’est donc une belle idée que l’ensemble tchèque Collegium 1704, sous la direction du claveciniste Václav Luks, a eue de proposer cette « Arsilda, regina di Ponto » au Théâtre national de Bratislava. Coproduit par plusieurs maisons, dont les Théâtres de la Ville de Luxembourg, le spectacle arrive donc au grand-duché après sa création en Slovaquie le 9 mars dernier et des représentations à l’Opéra de Lille. Il a également été diffusé sur Culturebox, la chaîne internet culturelle de France Télévisions.
Passons rapidement sur l’argument, qui mêle travestissements, amours interdites et intrigues politiques, le tout agrémenté d’une fin heureuse en forme de double mariage. Comme le souligne à raison le site Classiquenews.com, il n’est « qu’un prétexte quelque peu érudit, particulièrement propice à la mise en musique d’un riche éventail de sentiments, avec un regard à la fois cynique et plein d’espoir s
ur les contradictions inhérentes à la condition humaine ». Car c’est bien là que réside l’indéniable attrait de cette pièce pour les amateurs du répertoire baroque : écouter pendant près de trois heures toute la palette musicale d’un Vivaldi au meilleur de sa forme, interprétée par l’un des ensembles les plus réputés dans ce répertoire.
Les chanteurs ne sont pas en reste, qui placent d’excellentes vocalises et héritent de sauts périlleux dans le grave ou l’aigu dont ils se jouent avec aisance. Le nombre relativement élevé de représentations dans plusieurs pays concourt également à la formation d’un esprit de troupe du meilleur effet. Toute la partie musicale, dans cette production, a donc de quoi ravir les amateurs.
Sans pourtant que la mise en scène de David Radok, enrichie de toiles du peintre Ivan Theimer en arrière-plan, soit à négliger. Basée sur le principe de la « camera obscura », elle concentre l’action dans une boîte où les transformations des personnages se succèdent. Si des chandelles éclairent le début et s’éteignent à la fin, marquant ainsi le caractère intemporel des passions humaines, les costumes se font plus modernes au fil de l’œuvre, soulignant la proximité de ces personnages pourtant baroques avec le public d’aujourd’hui.
Une partition méconnue à la production impeccable à découvrir donc, dans un Grand Théâtre loin d’afficher complet au moment où nous mettons sous presse, ce qui est plutôt rare pour un opéra au Luxembourg. On ne saurait trop conseiller aux amateurs de musique baroque ou aux férus de découvertes de s’y rendre.
Ce vendredi 2 juin à 20h. En italien, avec surtitres français et allemand.