La grande rétrospective consacrée au photographe canadien Jeff Wall est sûrement une des expositions qu’il faut retenir de cette rentrée. Une plongée dans son univers.
Certain-e-s critiques ont vu dans les œuvres de Jeff Wall des « productions cinématographiques dans un seul cadre », ce qui résume assez bien son art, sans pourtant en rendre la dimension humaine et empathique que l’artiste célèbre dans sa pratique. Car Wall englobe une telle flopée de concepts dans ses travaux qu’il est difficile – voire impossible – de les hiérarchiser. Il lui arrive aussi bien de jouer avec le regard du public que de mettre en relation les personnages qu’il photographie. Il se permet des impressions intimes aussi bien que des aperçus larges. Par exemple « Insomnia 1994 », montrant un homme à terre sous la table de sa cuisine délabrée, et « Renovation », où sur une large bande on voit des travaux de rénovation dans un musée suisse et de multiples personnes vêtues de blanc, comme des médecins, restaurer la mémoire.
Dans les années 1970, Wall est d’abord inspiré par l’art pictural, comme en témoigne « Picture for Women » de 1979, où il s’inspire librement du tableau de Manet « Un bar aux Folies Bergère », tout en enlevant et en purifiant le cadre et en interpellant encore plus le regard par un jeu de miroirs amplifié, ainsi qu’en mettant au centre non plus la femme mais l’appareil photographique.
Au fil des années s’ajoutent des interactions comme dans « In Front of a Nightclub » ou encore « Band and Crowd », des clichés consacrés aux pratiques culturelles contemporaines. Mais dans l’univers de Wall, des inspirations plus classiques et littéraires ont aussi leur place, comme dans les monumentaux « Storyteller » ou « Monologue », qui magnifient des situations d’interaction qui pourraient être tirées de tableaux de la Renaissance. Voire la littérature la plus pure, dans le sens où il met en scène carrément des livres, comme le montre « After Invisible Man » de 1999-2001.
Les œuvres de Wall traversent aussi les classes sociales et n’ont pas peur de la violence – même si aucun de ses tableaux photographiques sur la guerre d’Afghanistan n’est visible au Mudam. C’est cela qui rend aussi son regard aussi universel, sa narration aussi empathique.
Et puis il y a bien sûr la forme, qui parfait les propos de l’artiste. Avec ses caissons lumineux, il donne une tout autre accessibilité à ses œuvres et les change aussi intrinsèquement. Ce sont des monuments dédiés à notre temps, obtenus par le détournement d’une technique avant tout utilisée dans la publicité. Wall célèbre autant qu’il nous invite à regarder de près et plusieurs fois ses compositions pleines de détails, rappelant parfois la méticulosité des anciens maîtres flamands.
Car chaque détail est précieux et surtout, la technique photographique de Wall est tellement perfectionnée qu’aucun flou – artistique ou non – ne persiste dans ses tableaux photographiques, caissons lumineux ou pas.
Bref, s’il y a un photographe qui fait aussi dans l’art plastique (et les fameux caissons expriment aussi la volonté de l’artiste d’augmenter son art d’une dimension), c’est bien Jeff Wall.
Au Mudam, jusqu’au 6 janvier 2019.
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