Plans d’aménagement : Protection inexistante

Des jugements récents du tribunal administratif remettent en question le principe même de la protection communale du patrimoine architectural.

Source : Google Maps

Lundi dernier, le conseil communal de la Ville de Luxembourg a siégé plus de quatre heures pour évacuer nombre de points à l’ordre du jour. Un peu vers la fin, le point « 8. Affaires judiciaires : autorisations d’ester en justice » s’avérait moins anodin que d’habitude, car la Ville de Luxembourg, avec le ministère de l’Intérieur, vient de perdre d’un seul coup quatre affaires en relation avec le plan d’aménagement général de la ville, dont la dernière mouture a été arrêtée en 2017.

Si l’opposition et la majorité se montraient pour une fois unanimes à décider de faire appel contre les jugements, les interprétations des raisons pour lesquelles on en était arrivé là étaient un peu plus variées, pour ne pas dire opposées.

Deux promoteurs, Deltalux immobilière et Sauzon SA, avaient obtenu du tribunal administratif qu’il annule la décision du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 28 avril 2017 « par laquelle il a approuvé le projet de refonte du PAG de la Ville de Luxembourg ainsi que la décision du ministre de l’Intérieur du 5 octobre 2017 », dans la mesure où ces décisions ont classé en « secteur protégé d’intérêt communal de type ‘environnement construit’ les parcelles inscrites au cadastre de la Ville de Luxembourg, section EE d’Eich, sous les numéros 103/2001, 103/2002 et 103/2003 ».

« Façades sans particularités »

Même si à première vue cette décision ne concerne que les plaignants, qui ont prévu de réaliser sur les parcelles impliquées un grand projet immobilier − alors que le conseil communal a voulu protéger l’ensemble des maisons longeant la rue d’Eich à cet endroit −, le jugement risque de faire jurisprudence. En effet, les juges du tribunal administratif réfutent de fond en comble le principe même de secteur protégé ou d’ensemble sensible tels que la Ville de Luxembourg les a inscrits dans son PAG. Pour rappel : sur les 22.000 bâtiments enregistrés sur le territoire communal, 2.600 se trouvent dans des secteurs protégés et 4.500 appartiennent à des ensembles sensibles.

Selon le tribunal, il ne suffit pas de fixer de tels secteurs d’une façon générale en déclarant telle ou telle portion de rue comme y appartenant. Il faut encore justifier pour chaque parcelle contenue dans un tel secteur pourquoi une protection particulière se justifie.

À ce niveau, le tribunal semble adhérer à la position des plaignants, qui ont présenté des photos d’immeubles longeant la rue d’Eich « présentant a priori des façades sans particularités, dépourvues d’authenticité, comportant de nombreux éléments en plastique ainsi que des installations techniques en apparence et pour partie en état de fort délabrement ». Ces photographies ne permettraient par ailleurs « pas de dégager une quelconque différence entre les immeubles classés en secteur protégé et les immeubles situés directement en face, qui ne sont pourtant pas classés en secteur protégé et qui ont entretemps été démolis ».

Le conseiller communal Guy Foetz (Déi Lénk) a fait référence à ce passage du jugement lors du débat de lundi. Il s’est alors demandé si les instruments dont s’est dotée la Ville pour protéger son patrimoine ne sont pas détruits (« futti ») par de tels jugements. Dans la mesure où les dispositions sont trop vagues, elles ne résistent pas face aux tribunaux, manifestement plus attentifs aux intérêts des propriétaires qu’à l’intérêt général ou qu’à des obligations qui découlent de la convention de Grenade que le Luxembourg a ratifiée en 2015 – 30 ans après son adoption au niveau international.

Faire appel ne serait pas suffisant, selon le conseiller de l’opposition : il faudrait que la Ville se dote enfin d’instruments plus puissants pour ne plus se voir recalée par des jugements qui, en plus, mettent en doute le pouvoir décisionnel du conseil communal.

Au niveau national, la ministre de la Culture invoque souvent un « safety net » prévu dans la future loi grâce à la protection communale. Celui-ci rendrait impossible la destruction de bâtiments sans autorisation ministérielle explicite, avant que le registre national soit complété. Le tribunal administratif le verra-t-il de la même façon ?


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