Un mégaexercice de l’Otan avec une microparticipation du Luxembourg. Pourtant, la plateforme pacifiste FSPL s’insurge et explique dans un communiqué pourquoi cet exercice va dans la mauvaise direction.
« D’ici quelques jours, et jusqu’en mai de cette année, se manifestera le bruit de bottes et le hurlement de guerre en Europe. » C’est en ces termes que la plateforme luxembourgeoise pour la paix et la solidarité (FSPL) met en garde contre l’exercice « Defender 2020 », auquel participeront 37.000 militaires. 20.000 soldat-e-s seront transféré-e-s depuis les États-Unis – une première depuis la fin de la guerre froide. Et le Luxembourg participera… « sous forme d’un appui logistique minimal », écrit la FSPL.
La réponse du ministre de l’Armée François Bausch à une question du député Marc Baum permet d’en savoir plus : la contribution grand-ducale consiste en « une équipe de 4 chauffeurs et 2 camions équipés de remorques durant plus ou moins 6 semaines ». Et le ministre d’expliquer : « Pour l’Otan, sa capacité de recevoir des forces et de l’équipement des États-Unis, de les mettre en scène, de les faire avancer sur le théâtre d’opérations et de les intégrer sera au centre de l’exercice. »
Defender 2020, l’Otan se déploie
La plateforme pacifiste s’inquiète de ce « stress test des infrastructures et du niveau de préparation du commandement ». Même si la participation luxembourgeoise est minimale, l’orientation de l’exercice lui semble dangereuse : « Pour l’Otan et les États-Unis, l’idée d’une guerre en Europe n’est plus un scénario abstrait, mais une option qui doit être préparée concrètement. »
Il ne s’agit pas d’une occurrence unique, rappelle la FSPL, puisque ces exercices doivent avoir lieu annuellement. En parallèle, un exercice plus « léger » aura lieu dans théâtre pacifique cette année. L’année prochaine, l’exercice « lourd » aura lieu là-bas, tandis que le Defender 2021 en Europe sera « léger », et ainsi de suite. L’ONG considère ces exercices comme « des tentatives d’intimidation contre la Russie et la Chine ». Ce qui ne restera pas sans réponse : « La Russie et la Chine n’hésitent nullement à se joindre au bruit de bottes et aux hurlements de guerre. »
Détente plutôt que dissuasion militaire
Plutôt que des exercices militaires, qui « constituent tous une provocation de l’adversaire », la FSPL mise sur la désescalade : « Il faut promouvoir des initiatives qui renforcent l’ONU et l’OSCE, mettre en place une politique de détente par des moyens diplomatiques, aboutir à un désarmement concret dans tous les domaines, s’engager en faveur d’une culture de dialogue ouverte et constructive avec la Russie et renforcer de manière conséquente le dialogue au sein du Conseil Otan-Russie. » La plateforme pacifiste appelle donc le Luxembourg à œuvrer en faveur de la paix et à reconsidérer sa participation à Defender 2020.
On peut se demander si deux camions et quatre chauffeurs justifient autant d’indignation. Dans sa réponse à la question parlementaire, Bausch précise que les frais liés à l’exercice sont entièrement pris en charge par les États-Unis… sauf « les indemnités de récupération des heures supplémentaires en exercice », à savoir 3.192 euros. Rassuré-e-s ? Guère, car dans la réponse on trouve aussi des détails qui inquiètent. Ainsi le théâtre de manœuvres va des États baltes jusqu’à la Géorgie, qui n’est pas membre de l’Otan et constitue un des brandons qui peuvent mettre le feu aux relations Est-Ouest. Et cette gesticulation dangereuse, le Luxembourg s’y associe parce que « Defender 2020 est entièrement en ligne avec les mesures RAP (plan d’action réactivité) et les décisions qui ont été prises lors du dernier sommet de l’Otan en 2018 ». Que l’on s’indigne d’un tel manque d’esprit critique à l’égard du bellicisme de l’alliance, c’est bien compréhensible.