Social : Il est temps pour plus de temps

La réduction du temps de travail sera un sujet central dans la campagne des élections législatives d’octobre prochain. Syndicats et partis de gauche plaident pour une réduction, tandis que le patronat y est défavorable, avançant l’argument de la compétitivité, mais aussi du manque de main-d’œuvre.

Photo : Jon Tyson/Unsplash

C’est une passe d’armes telle qu’il y en aura d’autres dans les mois à venir : le 16 mars, la Fédération des industriels luxembourgeois (Fedil) propose, au cours d’une conférence de presse, d’augmenter la durée « effective » du temps de travail, de ne plus créer de congés spéciaux, comme le congé parental, mais aussi de mieux contrôler la véracité des certificats de maladie et de rendre moins attractifs les revenus de remplacement, en cas d’incapacité de travail par exemple.

Cette attaque en règle contre un acquis social fondamental a provoqué la riposte de l’OGBL, s’inquiétant de la notion de temps de travail « effectif » avancé par les industriels, car « il n’existe qu’un temps de travail, celui pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur ». Vive réaction également de Déi Lénk. Dans un communiqué intitulé « La Fedil ne sait pas ce que travailler 40 heures veut dire », le parti affirme qu’il s’agit d’une « organisation archaïque, voire dangereuse, qui fait primer le profit sur toutes les autres considérations ».

L’on voit mal comment une hausse du nombre d’heures travaillées et un flicage accru des salarié-es pourraient rendre les emplois plus « attractifs ».

La revendication d’une diminution du temps de travail est devenue pressante ces dernières années. En 2022, le ministre socialiste du Travail, Georges Engel, s’y disait favorable. La surenchère de la Fedil doit donc être considérée à l’aune de ce débat, qui prendra de l’importance à l’approche des élections législatives d’octobre. Si l’on voit bien la tactique consistant à baliser le terrain par des propositions chocs, il convient aussi de relever la profonde contradiction de la Fedil, qui veut ainsi pallier le manque de main-d’œuvre. Mais l’on voit mal comment une hausse du nombre d’heures travaillées et un flicage accru des salarié-es pourraient rendre les emplois plus « attractifs », le maître-mot scandé par le monde luxembourgeois des affaires face au déficit de salarié-es qui touche quasiment tous les secteurs.

Photo : Kevin Ku/Unsplash

La réduction du temps de travail est un pilier de la lutte des travailleurs-euses depuis la première révolution industrielle et demeure au centre des revendications sociales. Face à cela, le patronat use systématiquement de l’argument de perte de compétitivité et promet pour ainsi dire la fin du monde. Mais le monde est encore là, et travailler moins d’heures se traduit toujours par des gains de productivité et par une main-d’œuvre mieux formée, le temps gagné étant aussi mis à profit pour l’éducation. Dans ce sens, la prospérité de nos pays occidentaux s’est aussi construite grâce à la réduction du temps de travail. Globalement, la santé des entreprises – surtout des grandes – n’a jamais été aussi florissante qu’aujourd’hui. La question mérite par ailleurs d’être posée alors que le développement de l’intelligence artificielle augure de la suppression massive d’emplois.

Le sujet redouble d’acuité depuis la pandémie. Les périodes de confinement et de chômage partiel remettent en question le sens du travail et son importance dans la vie. C’est aussi pour cela que des millions de Français-es se mobilisent contre le report du départ de l’âge à la retraite de 62 à 64 ans.

Dans un monde du travail de plus en plus aliénant, travailler moins signifie plus de temps pour sa famille, ses enfants, ses ami-es, ses loisirs, son éducation et même pour ne rien faire du tout. En somme, plus de temps pour vivre.


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