Les moteurs des voitures émettent de moins en moins de CO2. À défaut de le sauver, leur impact négatif sur le climat est donc moindre. Mais cette solution technique est annihilée par la place prise par les SUV sur le marché automobile, assurant un surplus de profits aux constructeurs.
Il en coûtera désormais jusqu’à 225 euros aux propriétaires de SUV pour stationner six heures dans 11 arrondissements sur les 20 que compte Paris. Pour celles et ceux qui ont coutume de s’y garer chaque jour de la semaine, la douloureuse avoisinera les 10.000 euros par mois ! Effet dissuasif garanti. Les résidents y échappent néanmoins. Ce triplement des tarifs dans les arrondissements centraux de la capitale française a été décidé à l’issue d’une votation tenue dimanche 4 février à l’initiative de la maire socialiste, Anne Hidalgo. La question posée aux Parisien-nes était : « Êtes-vous pour ou contre la création d’un tarif spécifique pour le stationnement des voitures individuelles lourdes, polluantes ? » Quelque 80.000 votant-es, sur un potentiel de 1,1 million, se sont prononcés à 54,55 % en faveur d’un triplement de la taxe. À noter que les arrondissements huppés de l’Ouest parisien s’y sont fortement opposés. Les nouveaux tarifs s’appliqueront au-delà de 1,6 tonne pour les voitures thermiques ou hybrides et 2 tonnes pour les électriques.
Dans le collimateur de la mairie de Paris, les SUV, ces véhicules à la carrosserie rehaussée et aux dimensions de plus en plus larges. Il s’agit à la fois de lutter contre l’encombrement de ces voitures qui débordent sur les trottoirs et les chaussées, entraînant des problèmes de sécurité, mais surtout contre le surplus de pollution qu’elles provoquent. Pour les SUV électriques, l’idée est de pénaliser des véhicules dont la production accuse une forte empreinte écologique, notamment basée sur l’exploitation minière. « C’est un pas vers plus d’écologie et un signal aux constructeurs pour qu’ils ne fassent plus ce genre de véhicules », a commenté David Belliard, adjoint aux transports de la ville de Paris, après le vote.
Des femmes émancipées !
Les ventes de SUV représentent désormais 50 % de parts du marché automobile. Au Luxembourg, où l’Autofestival vient de fermer ses portes avec une hausse marquée de 10 % de la fréquentation, cinq modèles de SUV figurent dans le classement des dix meilleures ventes de voitures, avec une préférence pour Volkswagen.
Pour le climat, c’est une bien mauvaise nouvelle : les SUV consomment 20 % d’essence de plus que des véhicules de taille moyenne, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Ils représentent « le deuxième facteur contribuant à l’augmentation des émissions mondiales de CO2 depuis 2010, après le secteur de l’énergie », constatait l’AIE en 2019. Pourtant, ces dernières décennies, d’importants progrès ont été réalisés en termes de production de moteurs. Leur consommation est moindre, ils émettent moins de CO2 et de particules polluantes. Ces évolutions ont été largement marketées par l’industrie automobile, qui les présente comme un élément participant à la transition vers la « croissance verte ». Mais la technologie, si elle peut s’avérer utile, ne sauvera pas l’essentiel si elle ne s’accompagne pas d’un changement de paradigme. Les SUV sont, dans ce sens, une illustration de la faillite du technosolutionnisme s’il n’est pas strictement encadré et quand il est confié à un secteur marchand dont l’horizon indépassable demeure la consommation et la production infinie de biens.
À écouter les constructeurs, ces modèles répondent à la demande des consommateurs-trices. En réalité, ce sont eux qui ont créé le besoin par un martèlement publicitaire dans lequel ils investissent des milliards. Ils mettent en avant la liberté (bien plus grande avec les SUV et leurs airs de 4×4), la sécurité (garantie par la taille), la distinction sociale ainsi que la famille, que l’on peut confortablement caser dans de vastes habitacles. Rien de vraiment neuf dans ces arguments piochant dans l’imaginaire traditionnel de la civilisation de l’automobile, si ce n’est que le mâle alpha au volant de sa grosse cylindrée est désormais remplacé dans les spots publicitaires par des femmes pour lesquelles SUV serait synonyme d’émancipation. Bref, c’est washing à tous les étages. Pour les industriels, l’affaire est très profitable : entre 2016 et 2022, les recettes par voiture des six principaux constructeurs automobiles européens ont ainsi augmenté de 20 % à 34 %. Le tout en soignant leur image, en donnant aux consommateurs et consommatrices l’illusion de la bonne conscience.