Transports publics : Inclusion d’inégalités sociales

La modernisation – plus que nécessaire – des infrastructures liées aux transports publics est aussi révélatrice de la vision (a)sociale de certain-e-s responsables.

La salle d’attente : aussi accueillante qu’une cellule de dégrisement. (Photo : woxx)

Pour les voyageurs-euses et frontaliers-ères qui passent chaque matin par la gare d’Esch-sur-Alzette, c’est un fait connu : la gare de la deuxième ville du pays est un trou noir dans le réseau ferroviaire. Alors que les gares attenantes comme Schifflange ou Belval-Université sont plus ou moins flambant neuves, celle de la métropole du fer reste engluée dans les années 1970. Certes, la façade et la partie commerciale à l’intérieur viennent d’être rénovées, mais avancer vers les quais revient toujours à se retrouver projeté des décennies en arrière : aucun panneau digital n’informe le public, les murs sont toujours vêtus des mêmes tuiles vétustes et pour seule infrastructure moderne, on a droit aux panneaux publicitaires JC Decaux. On cherche en vain des bornes SOS ou un système efficace d’avertissement sur les retards (au lieu des vieux haut-parleurs caquetant des messages flemmards difficiles à interpréter) – même la vidéosurveillance n’a pas encore été installée sur les quais, c’est dire…

Des bancs anti-SDF

Dans une question parlementaire, les députés de gauche Marc Baum et David Wagner se sont justement inquiétés de la situation. Dans sa réponse, François Bausch promet une amélioration et renvoie à un projet approuvé par motion à la Chambre des député-e-s, où des infrastructures adéquates sont prévues, ainsi que la construction d’un nouveau souterrain – actuellement encore à l’étude. Si le ministre ne donne pas de date pour la réalisation, il met en avant que d’ores et déjà, des places assises sont accessibles dans la nouvelle salle d’attente et dans le hall de la gare.

Ce qui est vrai : depuis le début du mois de mars, les passagers-ères peuvent donc profiter de nouveaux bancs. Sauf que ceux-ci remplissent aussi une fonction tout autre que le confort : il s’agit de mobilier urbain anti-SDF. En effet, avec des accoudoirs espacés de moins d’un mètre, impossible de s’allonger. Ce n’est pas la première fois que le Luxembourg cède à cette « mode » venue d’autres capitales du monde, où l’on s’évertue à chasser les « indésirables » de l’espace public – certains arrêts de bus à Luxembourg-ville en témoignent. Pourtant, pourquoi installer de tels bancs dans la gare d’Esch ? Elle n’est peut-être pas la plus belle du pays, mais quiconque la fréquente sait que les sans-abri ne s’y installent presque jamais. Est-ce donc une mesure préventive, une anticipation face à une dégradation sociale qui viendra ? Ou est-ce que la mauvaise image de la future capitale européenne de la culture a donné des idées aux CFL ?

Interrogés sur le sujet, ceux-ci – par la voix de leur responsable de la communication Alessandra Nonnweiler – n’y voient aucun problème : « Comme à la gare de Luxembourg-ville, du mobilier issu d’un concours d’architecture a été installé à Esch. Un mobilier qui ne remplit pas uniquement les critères du design, mais garantit principalement la sécurité de notre clientèle. Des sièges plus larges et des accoudoirs permettent une position assise sécurisée pour les personnes à mobilité réduite. »

Bref, les CFL prennent les personnes à mobilité réduite comme prétexte pour installer du mobilier urbain excluant de fait que des personnes ayant perdu leur toit s’installent dans leurs gares – au nom de la sécurité des client-e-s. Et cela alors que des alternatives existent, combinant possibilités de s’allonger et accoudoirs pour personnes à mobilité réduite. Certes, voir des clochards dans une gare n’est jamais une vue plaisante, mais les exclure de cette façon en dit long sur la vision sociale de notre société.


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