Le vote du rapport sur le projet de loi „partenariat“, annoncé pour mercredi, n’a pas eu lieu. La majorité parlementaire, en s’empêtrant dans des stratagèmes contre les „partenariats blancs“, met en péril son unique projet de réforme.
„Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale“, dit l’article 8 de la Convention des droits humains. De l’avis du Conseil d’Etat, cela vaut également pour l’accès à la nouvelle institution du partenariat. Voilà pourquoi il s’est opposé formellement à l’amendement de la commission juridique prévoyant une durée de résidence minimale de trois ans au Luxembourg pour les partenaires potentiel-le-s non communautaires. Cette position peut paraî tre étonnamment progressiste, mais en fait, le Conseil d’Etat n’est que juridiquement cohérent: si le partenariat reçoit une base juridique, cela vaut reconnaissance de ce statut en tant que forme de „vie privée et familiale“ alternative au mariage. L’accès égal au partenariat découle d’ailleurs également du Code civil luxembourgeois, qui dispose qu’une personne non luxembourgeoise, si elle bénéficie d’une autorisation de séjour, „jouira de tous les droits civils“.
Les groupes parlementaires de la majorité, loin de se soumettre à l’avis du Conseil d’Etat, sont revenus à la charge mercredi avec un nouvel amendement, proposant cette fois-ci que les non communautaires doivent déjà disposer de cette autorisation de séjour avant de pouvoir devenir partenaires. Pari risqué à plus d’un titre: si la commission s’était déclarée battue, elle aurait pu poursuivre son but: finaliser aussi vite que possible un rapport et soumettre le projet de loi „partenariat“ au vote de la plénière avant fin avril. Avec ce nouvel amendement, elle doit à nouveau attendre la réaction du Conseil d’Etat, ce qui pourrait avoir comme conséquence que le projet ne sera plus voté avant les élections. Le seul projet prouvant l’esprit de „réformes de société“ de la majorité actuelle tomberait alors en désuétude. Rappelons que ni en matière d’euthanasie, ni en matière de double nationalité, le gouvernement n’a présenté de projet de loi, alors que la réforme du divorce n’a pas passé à temps le cap de la procédure parlementaire.
Qui plus est, le nouvel amendement risque de se heurter à une nouvelle opposition formelle. Car en éliminant une inégalité, il en crée une autre: les aspirant-e-s au partenariat devront d’abord remplir la condition de l’autorisation de séjour, ce qui n’est pas le cas pour ceux et celles qui veulent se marier. De ce fait, les couples homosexuels seront doublement discriminés: exclus de l’institution de mariage, ils seront obligés de se soumettre à des conditions plus restrictives lorsqu’ils voudront être reconnus officiellement.
Tous ces stratagèmes doivent servir à prévenir des „partenariats blancs“. La grande crainte du CSV et du DP, c’est que le partenariat devienne, à l’instar des mariages factices de plus en plus fréquents, une voie de régularisation inofficielle des sans-papiers. Sont visées essentiellement des liaisons de messieurs respectables avec des artistes de cabaret venant de l’Europe de l’Est. Il sera donc intéressant de voir comment les fameuses „autorisations de séjour pour artistes“, dont la base légale est douteuse, tiendront la route dans l’imbroglio juridictionnel qui résultera de la nouvelle disposition.
On finit ainsi par se retrouver au beau milieu de la „vie privée et familiale“: qui oserait douter de la légitimité d’un mariage entre luxos voire entre communautaires pour la seule raison qu’il n’est pas ou plus consommé? Qui trouverait à redire si, au-delà d’un amour difficilement vérifiable, deux personnes se marient pour bénéficier d’avantages fiscaux? Aussi longtemps que le mariage – et par analogie le partenariat – ouvre la porte vers des privilèges matériels, on voudra en tirer profit. Comme quoi la vraie réforme de société serait de dissocier les relations sentimentales du statut juridique de l’individu.