ENSEIGNEMENT: La troisième femme

Jouant la carte de la continuité, la nouvelle ministre de l’Education nationale essaie de faire passer les changements annoncés par petites cuillères. Et se passe de réformes plus substantielles.

Elle semblait à l’aise, mercredi lors de sa première conférence de presse en tant que ministre de l’Education: à Mady Delvaux-Stehres, ancienne professeure de latin, le dossier de l’enseignement tient autrement à c´ur que celui des transports, dont elle fut responsable de 1994 à 1999. Elle est la troisième femme à prendre en main une tâche ministérielle qu’elle qualifie de „la plus noble“. Elle est aussi la sixième en sept législations à s’essayer à une mission souvent caractérisée comme impossible. Et elle reprend le bâton d’une ministre libérale qui à son tour l’avait reçu d’une ministre chrétienne-sociale.

La fréquence de rotation du siège ministériel de l’Education, significatif, génère en même temps un des grands problèmes de cette administration: la marge de manoeuvre limitée chronologiquement par les échéances électorales hypothèque la transposition de réformes plus globales et plus fondamentales. Mais ce n’est pas l’unique obstacle qui se pose. Les prises de position des jours passés, que ce soient celle de la ministre ou de sa prédécesseure Anne Brasseur, des syndicats ou des associations de parents d’élèves ont révélé une fois de plus les liens qui empreignent l’évolution du système scolaire luxembourgeois. Tandis que le communiqué de presse du Syndikat Erzéiung a Wëssenschaft (SEW) fut une déclaration de bienveillance envers la ministre de l’Education nationale, la Feduse-Enseignement jette d’emblée le gant – Anne Brasseur n’ayant d’ailleurs pas hésité à aligner sa conférence de presse sur les prises de position du syndicat cgfpéiste. La double division du monde de l’éducation luxembourgeois – clivage politique d’une part, opposition patron-personnel d’autre part – risque de freiner une fois de plus le vent des réformes.

Pour le moment, Mady Delvaux-Stehres joue encore la carte de l’entente cordiale. Elle souligne que cette rentrée est „classique“ et maintient profil bas au sujet des réformes qu’elle annonce. Quant au concept controversé „back to basics“ de sa prédécesseure, tout juste si elle suggère qu’il „n’est pas suffisant de transmettre du savoir“. Mais certaines des réformes scolaires qu’elle annonce comme des changements dans la continuité, pourraient se révéler de la dynamite politique. D’abord, l’école à journée continue: à peine entamé, le débat émeut déjà les esprits. Mady Delvaux-Stehres à beau vouloir apaiser en soulignant qu’il s’agit d’un projet-pilote et non d’une obligation générale, la Feduse combat déjà le spectre du „Entertainer-Ersatzmutter-Lehrer“. Au lieu de poser la question de l’encadrement des écoles: quid de l’offre en accompagnement scientifique, en guides „meilleures pratiques“, en concepts architecturaux ou en soutien financier?

Le deuxième grand chantier de société qu’ouvre mine de rien la ministre, c’est l’enseignement des valeurs, qui doit remplacer les cours de religion et de morale actuellement distincts. Tandis que Jean-Claude Juncker avait annoncé d’emblée que les „éléments chrétiens-catholiques“ n’y seraient pas négligés, Mady Delvaux-Stehres aurait préféré passer sur ce dossier épineux lors de sa conférence de presse. Questionnée quant au rôle des catéchètes lors de l’introduction (à date incertaine) de ce nouveau concept, elle a renvoyé la balle au groupe de travail qui doit être créé prochainement.

Mais il est certain que la réforme fondamentale du système scolaire luxembourgeois, dont la nécessité semble pourtant être confirmée une nouvelle fois, après PISA, par l’étude de l’OCDE „Regards sur l’éducation“, n’est pas pour demain. Et qui la voudrait? Il est symptomatique qu’aucun des deux syndicats ne s’est jusqu’ici positionné par rapport cette étude, qui fait un tollé chez nos voisins. Et le Luxembourg, auquel on confirme une fois de plus sa position médiocre en matière de qualification certifiée des élèves, en aurait également du fil à retordre.


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