Donner aux réfugié-e-s le droit de travailler, c’est leur rendre un peu de leur dignité humaine. La réforme du droit d’asile ouvre cette porte en théorie, mais pas en pratique.
„Oisiveté“, c’est le terme utilisé dans les textes officiels pour décrire la situation des demandeurs et demandeuses d’asile qui n’ont pas le droit de travailler pendant leur procédure. En mars 2001, une motion votée par la Chambre invitait le gouvernement de l’époque „à créer un cadre juridique spécifique, permettant aux demandeurs d’asile d’exercer une occupation pendant la durée du traitement de leur dossier“. C’était un tournant dans la politique d’asile luxembourgeoise: jusque là, le ministre de la justice avait réfuté toutes les tentatives des ONG de soutien qui visaient à introduire un droit au travail. La grande peur mise en avant: un accès au marché de l’emploi même dans le temps limité inciterait les personnes réfugiées déjà présentes au pays à vouloir rester, et d’autres à venir demander l’asile au Luxembourg. De plus, il renforcerait le problème du chômage. Le travail de conviction, mais surtout la situation désastreuse des réfugié-e-s condamné-e-s à l’inaction et un travail au noir florissant avaient contribué à ce retournement d’opinion. Et les évolutions au niveau européen, avec le dépôt début 2001 d’une proposition de directive introduisant notamment des normes minimales en matière d’accès à l’emploi pour les réfugié-e-s, y avait été également pour quelque chose.
Il a fallu attendre janvier 2005 pour qu’un nouveau gouvernement intègre l’accès au travail dans son projet de réforme du droit d’asile. Mais après les tergiversations des derniers mois, on est en droit de se demander si le gouvernement et les partis de la majorité sont réellement intéressés à améliorer la situation des personnes concernées.
Déjà, le projet de loi tel que proposé par le gouvernement prévoyait un séjour minimal de douze mois avant l’ouverture de l’accès au marché de l’emploi. Et encore: il ne s’agissait que d’une autorisation de travail de six mois, renouvelable, valable pour un seul patron et une seule profession. Le Conseil d’Etat n’a pas manqué de souligner que selon la directive, ce délai d’attente aurait pu être ramené à six mois. La commission parlementaire du travail et de l’emploi, dans son rapport pour avis sorti mardi dernier, a coupé la poire en deux en proposant un délai de neuf mois. La commission des affaires étrangères en charge du projet, vient de formuler, sous sa rapportrice Lydie Err (LSAP), des amendements qui tiennent compte de ce compromis. Compromis qui n’apportera pas beaucoup aux personnes en cours de procédure vu que la nouvelle procédure d’asile vise à en raccourcir les délais. Mais les partis de la majorité semblent tabler moins sur l’occupation de ces personnes que de celles qui, après une décision négative, se voient néanmoins accorder un statut de tolérance. Toutes ces limitations ont fait dire au député vert Felix Braz que de la sorte, on ne crée qu’un droit virtuel et non réel: on donne uniquement au ministre le choix d’ouvrir l’accès dans des cas très limités.
Par contre, la commission du travail et de l’emploi avait tenu bon en ce qui concerne le droit à la formation des personnes demandeuses d’asile, notamment mineures, en soutenant la position du Conseil d’Etat. Celui-ci avait exigé un „droit positif“ de formation au lieu de renvoyer, comme l’avait fait le gouvernement, à un règlement grand-ducal qui fixerait les conditions de l’accès. La commission des affaires étrangères a néanmoins cédé aux pressions du gouvernement en adoptant un amendement qui ne prend pas en compte cette exigence du Conseil d’Etat.
„Il faut donner des signaux clairs envers ceux qui essaient par tous les moyens de rester ici, notamment au niveau de la nouvelle loi“, a dit le ministre délégué à l’immigration Nicolas Schmit lors d’une conférence de presse ce jeudi. En parsemant de barrières l’accès à l’emploi et à la formation, le gouvernement favorise la dissuasion au détriment de l’aide à se construire un avenir meilleur.