LUTTE CONTRE LE CHOMAGE: Paternalisme et protectionnisme

Le ministre de l’emploi se pose en défenseur éclairé de l’Etat social. En réalité, il se réfère à un modèle protectionniste et suranné.

„Biltgen 1 n’est pas Hartz 4“, a assuré le ministre du Travail mercredi après-midi. Suite à une réunion de comité tripartite, les syndicats avaient vivement critiqué l’orientation prise par le gouvernement en matière de politique d’emploi. François Biltgen a tenté de calmer le jeu. Il ne serait question ni de culpabiliser les chômeurs, ni de flexibiliser le cadre légal en matière de licenciements ou de salaire minimum.

Tout cela peut sembler rassurant, mais d’autres éléments invoqués par le ministre se révèlent moins sociaux. Ainsi Biltgen a cité, entre autres mesures à remettre en question, les fameux contrats d’auxiliaire temporaire (CAT). Leur objectif – préparer l’insertion des jeunes sur le marché de l’emploi – ne serait pas atteint. Lors de son discours sur les priorités du gouvernement le mois dernier, Jean-Claude Juncker avait cherché à le dire de manière „drôle“: les mesures dites actives conduiraient les jeunes concernés à la plus grande passivité en matière de recherche d’un nouvel emploi. En effet, les CAT, une fois casés dans le public, chercheraient à y rester.

Pourtant, traiter ces jeunes d’ingrats est injuste, car leur attitude est logique. En l’absence d’un encadrement qui permettrait de les former, la seule fonction réelle de ces contrats est de les sortir du chômage et de les faire travailler. Certes, ces personnes sont en contrat temporaire, mais les tâches qu’elles remplissent sont souvent permanentes. Au nom de la „responsabilité partagée“ invoquée par Biltgen en matière de lutte contre le chômage, le gouvernement devrait créer de véritables postes dans le public, plutôt que d’inventer, puis d’abolir des pseudo-mesures de qualification.

Un autre cheval de bataille du ministre, la priorité à l’embauche des résident-e-s, s’avère peu social sur le fond. Il s’agit d’une orientation réclamée par le LCGB et surtout par l’ADR. Ainsi, dans une question parlementaire récente, Aly Jaerling demande que, lors de l’implantation d’une entreprise au Luxembourg, on lui impose d’embaucher au moins 50 % de son personnel sur le marché de l’emploi national. François Biltgen ne va pas jusque-là, mais il a annoncé qu’il prendrait son bâton de pèlerin pour défendre la priorité à l’embauche des résidents auprès des chefs du personnel. Pour faire pression en ce sens, le gouvernement pourraient se servir même du contrôle qu’il exerce sur l’attribution des aides publiques aux entreprises.

Il faut s’étonner de ce que l’esprit Grande Région, si souvent invoqué dans les discours du dimanche, n’a plus cours les jours ouvrables. La priorité accordée aux résident-e-s relève du souci du gouvernement de faire du chiffre en matière de chômage. Cela rappelle les options prises dans une autre „lutte“, celle contre le changement climatique: là aussi, on enjolive le bilan national et on exporte les problèmes. Le jeu est à somme nulle: à chaque résident-e embauché-e correspond un-e habitant-e de la Grande Région qui reste au chômage.

De plus, cette approche est contraire à toute rationalité économique. Les entreprises seront incitées à embaucher des demandeurs d’emploi moins compétents, pour la seule raison que ceux-ci habitent au Grand-Duché et apparaissent dans les chiffres nationaux du chômage. En misant sur la priorité à l’embauche, le gouvernement risque d’abandonner encore plus le terrain de la requalification et de la mise à niveau des chômeurs résidents, victimes pour une bonne part des carences du système scolaire luxembourgeois.

Enfin, la notion de marché de l’emploi „national“ même, est une absurdité à l’âge de la libre circulation des travailleurs. Il ne sert qu’à camoufler les injustices faites aux frontalières et frontaliers. Alors que ce sont leurs impôts qui contribuent au financement des activités de l’Adem, ils et elles n’ont pas droit au même traitement lorsqu’il s’agit de la recherche d’un emploi. Ainsi, derrière un discours gouvernemental sur des réformes raisonnées se cache l’intention d’adapter – vers le bas – un modèle paternaliste et protectionniste suranné.


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