BRUIT AERIEN: Une loi mal embarquée

Adoptée à la va-vite, la transposition de la directive contre le bruit dans les aéroports prend des gants avec les compagnies, mais néglige les intérêts des riverains.

Parmi les nombreuses lois adoptées par la Chambre lors des séances surchargées de la semaine dernière, celle visant le bruit des aéroports est passée quasiment inaperçue. Vu l’importance du sujet pour les populations concernées, il s’agit d’une entorse à l’esprit démocratique. Esprit démocratique trahi dans le texte de la loi tout autant que lors de son adoption.

Certes, gouvernement et parlement ont une excuse: il y avait urgence. Non pas du côté des citoyen-ne-s touché-e-s par les désagréments, mais du côté de l’Union européenne. En effet, le Luxembourg risquait des sanctions pécuniaires, car il avait déjà été condamné par la Cour de justice à cause du retard dans la transposition de la directive de 2002 sur le bruit des aéroports. La pression était tellement forte que la Commission des transports a renoncé à amender le texte même sur un point qui faisait consensus, le soutien financier aux investitions des compagnies aériennes.

Or, cette urgence a été provoquée par les institutions luxembourgeoises. La condamnation date du 8 juin 2006. Ce n’est qu’en mars 2007 que le ministre des transports Lucien Lux a déposé un projet de loi. La commission parlementaire a examiné le texte le 22 juin seulement et a adopté un rapport insignifiant signé Roger Negri (LSAP) une semaine et demie plus tard. Clairement, le parlement s’est mis lui-même dans la position d’une chambre d’enregistrement.

Le bâclage du travail parlementaire a d’ailleurs été révélé en séance plénière, quand le député Jacques-Yves Henckes (ADR) a interpellé le ministre sur une différence entre le texte de la loi et celui de la directive. En effet, celle-ci définit les „parties intéressées“ par l’introduction de mesures de réduction du bruit comme „personnes physiques et morales“, alors que la loi ne mentionne que les personnes morales. Le ministre a assuré, après réflexion, qu’il n’y avait pas besoin de mentionner les personnes physiques, leurs intérêts étant sauvegardés par la possibilité du recours devant le tribunal administratif. Indépendamment du fond de l’affaire, il est significatif que cette particularité du texte n’ait été évoquée qu’en séance plénière.

Mais peut-être que cette manière de légiférer dans l’urgence servait les auteurs du texte. A les lire, on ne peut s’empêcher de penser à la législation relative au secteur financier, rédigé la plupart du temps par les milieux intéressés eux-mêmes. Semblablement, dans le cas de l’aéroport, le ministre et le député rapporteur ont endossé la logique économique au détriment des intérêts environnementaux. La loi contre le bruit dans les aéroports est en vérité une loi contre les mesures anti-bruit trop chères, trop brutales et plus généralement menaçant de „remettre en cause la capacité de développement de l’aéroport“.

Notamment du côté du fret aérien, on s’apprête à sacrifier la qualité de vie dans l’agglomération sur l’autel de la compétitivité face aux aéroports limitrophes, comme l’indique le commentaire des articles: „Le domaine de la logistique étant un des créneaux porteurs d’avenir identifiés par le gouvernement, il importe que les décisions soient mûrement réfléchies et largement soutenues par les acteurs concernés.“

Acteurs concernés? Le changement de définition des „parties intéressées“ relevé en séance plénière n’était sans doute pas innocent. En effet, la directive impose la transparence envers et la consultation de ces „parties intéressées“. Or, dans la transposition luxembourgeoise, non seulement les personnes physiques sont exclues, mais dans le commentaire des articles, on passe au terme de „milieux concernés“. Ce terme regroupe les opérateurs et les élus des communes limitrophes, mais ne mentionne pas les ONG. Cela concerne en premier lieu la Commission consultative aéroportuaire, où l’intention déclarée du ministre d’englober les ONG n’est pas reflétée par la loi.

Mais ce sont aussi toutes les dispositions sur la transparence et la consultation mentionnées dans la loi dont ces acteurs sont exclus. Le législateur luxembourgeois affiche clairement la couleur: on demandera l’avis de Luxair et Cargolux, mais pas – ou seulement ponctuellement – celui des syndicats d’initiative et du Mouvement écologique. Drôle de conception de la société civile …


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