L’échec de la ratification du traité constitutionnel européen a fait sursauter la classe politique. Un plan „D“ est sensé réconcilier les citoyen-n-e-s avec l’Europe. Alors qu’ils sont fâchés avec ceux qui la dirigent.

La défaite du „oui“ aux référendums sur le traité constitutionnel européen (TCE) l’an passé en France et aux Pays-Bas a résonné comme un coup de semonce aux oreilles des femmes et hommes politiques du mainstream idéologique. Pris entre les braillements d’un Daniel Cohn-Bendit, les postures d’homme d’Etat sur le déclin d’un Chirac et les sermons d’un François Hollande, les citoyen-n-e-s français-e-s avaient quant à eux les oreilles qui sifflaient. Vint le référendum luxembourgeois et la modeste victoire du „oui“. Les partisan-e-s du texte n’ont rien épargné aux habitants de ce pays. Ce texte qu’ils pensaient pouvoir faire passer comme une lettre à la poste, se révéla être un gros colis mal calibré. Phase de dramatisation: Juncker l’incompris fait du chantage et menace de démissionner (des promesses, toujours des promesses) et instrumentalise indignement la mémoire de la seconde guerre mondiale. Asselborn défend le texte à sa manière en affirmant, dans un débat pénible, qu’il contient „100.000 imperfections“ et François Bausch reproche aux jeunes leur manque de connaissances sur l’Europe.
Mais voilà, tout cela n’aura pas servi à grand chose. Le traité est mort. Malheureusement, d’ailleurs, car le principe, contrairement au texte, était bon. Il ne faut pas oublier que bien avant le début des débats, une franche majorité des Européens se prononçaient en sa faveur. C’était avant qu’ils ne fassent ce que les politiques leur recommandaient: le lire et en discuter. Si un roman ne plaî t à personne, ce n’est pas nécessairement parce que les lecteurs ne l’ont pas compris. Et ce n’est certainement pas par horreur de la lecture.
Le plan „D“ (pour démocratie, débat et dialogue) lancé par la commission européenne donne l’impression de cet écrivain, qui, après un flop, invite le lectorat à discuter des bienfaits de la lecture et de débattre de sa manière d’écrire. Les évènements autour de la 20e célébration de la fête de l’Europe du 9 mai ont donné l’occasion aux dirigeant-e-s de populariser un peu plus ce plan „D“. Au Luxembourg, cela se traduit par un site internet – europaforum.lu – ainsi qu’un blog du ministre délégué aux affaires européennes, Nicolas Schmit. On peut y lire ses quelques réflexions sur le fait que l’Europe c’est important, qu’elle doit être sociale et démocratique et qu’il faut bien sûr „rechercher le contact avec les citoyens“ et autres lapalissades.
Comme dans tout blog, on peut commenter les articles publiés. Pour l’instant, le succès est limité, seuls sept ont été postés. Voilà pour le débat. Mais Nicolas Schmit sait aussi dialoguer: la preuve, il s’est déjà rendu dans un lycée pour y parler d’Europe avec des lycéens. Il y a quelques jours, on pouvait également participer à une soirée „Café d’Europe“, comme dans toutes les capitales des Etats membres, ainsi qu’à Sofia et à Bucarest. Et puis, les jeunes ont eu le droit, le temps d’une journée, de jouer aux parlementaires et de débattre de sujets préétablis.
Toute activité promouvant les débats politiques est souhaitable et, somme toute, positive. Il ne s’agit pas de dénigrer ces quelques évènements, ni de dévaloriser l’idée d’un site internet ouvert aux débats. Mais les citoyens n’ont pas vraiment attendu qu’un mandataire politique les invite à débattre de l’Europe. La preuve en a encore été faite au forum social européen qui s’est déroulé ce mois-ci à Athènes. Ce genre d’initiative émanant de la base pose la question de l’orientation politique et sociale de l’Europe, qui était au coeur des débats référendaires. On peut ainsi légitimement douter de l’utilité d’un débat organisé par des autorités publiques et leurs ministres, dont on connaît d’avance les conceptions idéologiques et leurs traductions dans des politiques néolibérales. Et ce sont justement ces politiques qui font tant de mal à l’Europe.