Une chose est sûre: La fusion-reprise Mittal-Arcelor va bouffer des sommes énormes qui ne serviront pas le développement industriel du groupe.
Non, ce n’est vraiment pas un mariage d’amour. A coups de communiqués de presse, Arcelor aussi bien que Mittal ne se sont pas épargné ces derniers six mois. Si seulement la moitié de ce qui s’est dit correspond à la réalité, il est difficile de comprendre sur quel terrain d’entente la fusion entre les deux géants a pu se faire. Mais ce n’est pas un mariage de raison non plus. Le premier ministre l’a dit à la tribune de la Chambre sans cacher sa déception que l’alliance Arcelor-Severstal n’ait pas pu voir le jour: „Une telle alliance, qui aurait permis une croissance plus graduelle à Arcelor, aurait également pu bénéficier du soutien du Gouvernement.“ En vue était le marché russe, ce „pays avec lequel le Luxembourg entretient et continuera à entretenir des relations amicales“.
Cinq ans à peine après la création du groupe Arcelor, voici que les employés et les ouvriers de l’Arbed doivent à nouveau changer d’habitudes. La même chose vaut pour la sphère politique: si l’actionnaire principal de l’ex-Arbed, le gouvernement luxembourgeois, sort enrichi de l’affaire – la valeur comptable de ses parts a doublé – sa part relative va encore une fois diminuer. Et, comme pour tout actionnaire d’Arcelor, il y aura de l’argent en liquide à distribuer. Le gouvernement entend utiliser cette manne pour renoncer à l’augmentation de l’impôt de solidarité. Les contribuables peuvent donc se réjouir de ces noces d’argent: le gain sera proportionnel au revenu d’un chacun. Il était devenu temps de commencer à faire comprendre aux Luxembourgeois les règles élémentaires du capitalisme moderne.
Certes, Mittal a promis d’avoir recours aux meilleures pratiques en termes de dialogue et de responsabilité sociales. Le nouveau groupe a déclaré vouloir honorer les promesses faites par Arcelor aux syndicats en ce qui concerne le maintien des différents sites en Europe.
Malgré l’avis positif de „leur“ représentant au conseil d’administration d’Arcelor, les syndicats luxembourgeois se montrent cependant bien plus réservés que lors de la création d’Arcelor. La fusion leur paraî t „du moins surprenante“. Ils se félicitent des promesses faites par Mittal Steel de continuer dans la tradition du dialogue social d’Arcelor, mais ils font néanmoins état des incertitudes qui subsistent. Que le siège social et opérationnel du groupe soit au Luxembourg ne leur suffit pas. Les syndicats déclarent continuer à veiller „dans les semaines et mois à venir à ce que les engagements et les plans industriels existants (…) seront scrupuleusement respectés“.
Or ces plans mis en place en 2006 constituent eux-mêmes des compromis par rapport aux promesses faites en 2001. Pour raisons de concurrence internationale, les syndicats ont dû faire des concessions, il est vrai bien moins graves pour les sites luxembourgeois. Mais quel sera le poids des syndicats dans un groupe „Arcelor-Mittal“, encore plus ancré dans la globalisation?
Avec 43,4 pour cent des parts, Mittal n’est certes pas majoritaire dans le groupe, mais il devance de loin tous les autres grands et petits actionnaires du groupe. Et il peut compter sur des alliés, car le volte-face d’Arcelor dans cette affaire n’aurait pas été possible sans une certaine pression d’importants actionnaires dont le principal intérêt était de tirer le plus d’argent de cette affaire. Un des premiers exercices du groupe sera d’ailleurs de procéder à d’importants transferts en liquide vers les actionnaires et SeverStal, qui a droit à une indemnisation confortable rien que pour avoir participé au jeu. Des montants énormes seront versés aux 19 banques qui ont „consulté“ les deux groupes dans cette bataille de reprise. Tout cet argent ne sera pas utilisé à des fins de modernisation, d’investissement ou de recherche. Et on nous parlait, depuis des mois, d’un „projet industriel“ derrière tout cela.