« Doubt » met en scène un Philip Seymour Hoffmann brillant, dans une intrigue universelle sur le doute et la haine.
Le Bronx, quartier de New York abritant les basses classes sociales en 1964. Le président Kennedy est mort il y a un an, la guerre froide fait rage, celle du Vietnam est en train de virer au cauchemar. Dans la petite paroisse St-Nicholas qui abrite aussi une école, on s’efforce de garder le présent loin des enfants. Ces descendants d’immigrés irlandais et italiens sont sous la coupe de la terrible soeur Aloysius (Meryl Streep). Cette femme plus catholique que le pape à la réputation de dragon, n’est pas ce qu’on entend communément par une dispensatrice de la bonté chrétienne. Elle n’inspire pas le respect, mais la peur au point où même ses consoeurs lui font remarquer qu’elle gère l’école plutôt comme une prison qu’un lieu d’apprentissage.
Sa contrepartie, le pasteur Flynn (Philipp Seymour Hoffmann) est un jeune prêtre ouvert au monde et prêt à innover les structures rigides de l’église par ses méthodes personnelles. Même s’il est le supérieur hiérarchique de soeur Aloysius, il ne se met pas en position de force par rapport à elle, ce qui constitue déjà une première erreur face à une femme prête à tout pour ses convictions. Le pasteur Flynn jouit d’une bonne renommée dans sa paroisse, comme dans l’école St-Nicholas. Ses serments – qui n’ont rien à voir avec les sempiternels canons qui ennuient à mort des millions d’écoliers partout en Europe – sont vivants, parlent du quotidien et surtout prêchent l’humanité avant de devenir trop moralisateurs. Si tous les curés étaient comme ce pasteur Flynn, l’église catholique ne connaîtrait pas les mêmes problèmes aujourd’hui. Mais malheureusement, il y a le vieux dragon et sa haine – qui fait que la soeur cherche le plus simple prétexte pour discréditer le pasteur réformateur. Celui-ci est vite trouvé : au-delà des Irlandais et des Italiens, l’école comporte un seul noir. Ce petit Donald Miller bénéficie de toute l’attention de Flynn, car il risque la discrimination raciale. Un geste tout à fait normal, si on veut intégrer un nouveau dans un ensemble déjà bien constitué. Ainsi, Donald est aussi un des serviteurs de la messe dominicale, position avantageuse. Lorsqu’il est interpellé après avoir bu du vin de messe, l’intrigue de soeur Aloysius peut commencer?
« Doubt », n’est pas forcément un film anti-catholique. Pour deux raisons : premièrement, cette histoire peut avoir lieu dans toutes les sociétés hiérarchiques, et deuzio l’exemple du pasteur Flynn montre non seulement que l’église peut être différente de son image d’institution totalement bloquée et que certaines couches sociales de la société en bénéficient toujours. Le thème principal de « Doubt » est la certitude. La certitude de soeur Aloysius sur le « vrai » caractère de Flynn et celle de l’intéressé sur son travail et la façon dont il l’appréhende. Ces deux certitudes vont s’opposer tout au long du film et c’est un de ses mérites de ne pas seulement se concentrer sur les moments où ces deux mondes entrent en collision, mais de s’attarder aussi longuement sur les petits détails de la vie quotidienne des protagonistes. Car, ceux-ci expliquent bien la biographie et le comportement de ces personnages.
En bref : un film fin et psychologique qui déstabilise plus que l’on croirait le principe même de la certitude.
« Doubt », à l’Utopia.