IMMIGRATION: Il faut ouvrir les frontières!

Pour des raisons morales comme pour des raisons pratiques, la politique de fermeture des frontières et d’expulsion des réfugié-e-s est un échec. Il est temps de le dire haut et fort.

Openclipart.org; worker; PD

Janklo est réfugié. Il est né là-bas et a fui son pays à cause des troubles politiques et du risque de guerre. Mais aussi avec l’espoir de recommencer sa vie ailleurs, d’offrir à ses enfants la perspective d’un avenir meilleur. Il est arrivé ici.

Jean-Claude est Premier ministre. Il est né ici et, malgré quelques projets d’expatriation, il est resté. Jean-Claude a beaucoup de compassion pour Janklo. Lors d’un récent briefing de presse, il a dit: „Ces gens souffrent. On ne quitte pas son pays volontairement.“ Puis il a annoncé la décision de créer un „Centre de séjour provisoire“ pour les réfugié-e-s devant être expulsé-e-s. Actuellement ces personnes sont internées à la prison. Jean-Claude le miséricordieux ne supportait plus de voir les Janklo traités comme de vulgaires criminels – ils auront leur cachot à part. Car il faut bien les enfermer, a-t-il expliqué, pour leur bien et le nôtre.

Jean-Claude Juncker a aussi été l’orateur de la première conférence du cycle „Migrations: les enjeux!“ organisé par l’ASTI. Le Premier ministre n’y a guère évoqué la politique d’expulsion de son gouvernement. Il a préféré se montrer généreux envers ceux et celles qu’on a consenti à accueillir en leur proposant la double nationalité et des cours de langue subventionnés. Et puis, dans la perspective des 700.000 habitant-e-s, il a évoqué une immigration contrôlée venue des pays de l’Est – une petite ouverture dans une Europe qui garde fermées ses frontières.

„Faut-il ouvrir les frontières?“ est justement le titre de la deuxième conférence du cycle, mardi prochain, avec Catherine Wihtol de Wenden. On n’aurait jamais dû les fermer, serait-on tenté de répondre. De quel droit Jean-Claude refuserait-il à Janklo la possibilité de refaire sa vie ici? Parce qu’il a la chance d’être né ici, et l’autre le malheur d’être né là-bas? Tous les êtres humains ne sont-ils pas égaux? D’un point de vue moral, la réponse est claire: il faut les ouvrir.

Mais, pourrait-on objecter, si c’est la misère qui pousse les gens à partir, améliorons la situation dans leurs pays d’origine – ainsi ils pourront rester chez eux. C’est l’argument qu’on a avancé en 1991, lorsque des milliers de réfugié-e-s albanais-es ont atterri sur les plages italiennes. Sous prétexte qu’on les aiderait chez eux, on a donc pu les expulser. Dix ans plus tard, la situation en Albanie ne s’est pas améliorée, les Albanais-es continuent à émigrer et nous continuons à les expulser.

Or la fermeture des frontières est une politique inefficace et dangereuse. Voilà la thèse défendue par des critiques comme Catherine Wihtol de Wenden. Inefficace parce que la mondialisation économique et culturelle génère et favorise des flux migratoires qu’on ne saurait endiguer. Dangereuse parce que, en mettant ces flux hors la loi, cette politique génère la clandestinité et les phénomènes qui l’accompagnent: trafics mafieux, exploitation, criminalité. Et puis les effets sur le droit fondamental à l’asile sont désastreux: voyant dans chaque candidat-e à l’asile politique un-e fraudeur/euse potentiel-le, les pays souhaitant fermer leurs frontières à l’immigration expulsent régulièrement des individus qui, de retour chez eux, sont emprisonnés, torturés voire assassinés.

Le mérite de cette thèse est de mettre en évidence que les fous furieux des expulsions tels que le ministre de la justice Luc Frieden, qui prétendent agir au nom du réalisme, mènent une politique complètement déconnectée de la réalité. Mais en plus l’injustice et la violence engendrées par cette politique bafouent les idéaux d’égalité, de liberté et de démocratie. Cela se trahit dans la manière dont certains termes sont pervertis dans le discours politique.

Ainsi, quand on parle de prévention de l’immigration, on ne pense pas à l’amélioration de la situation dans les pays d’origine, mais à l’effet dissuasif d’une politique d’expulsion dure. Et quand on reproche par exemple au gouvernement turc d’être irresponsable, ce n’est pas l’ethnocide rampant du peuple kurde, à l’origine de l’émigration, qu’on évoque, mais le fait que la Turquie n’en fait pas assez pour empêcher les gens de partir. Ce discours est celui des mêmes politicien-ne-s qui, il n’y a pas si longtemps, fustigeaient les régimes communistes parce qu’ils privaient leurs ressortissant-e-s du droit de circuler librement. Et qui continuent à fêter la chute du mur de Berlin, tout en érigeant de nouveaux „murs de la honte“. Face à cette perspective, le choix est clair: il faut ouvrir les frontières!

 


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