PRESIDENTIELLES: Une victoire peut en cacher une autre

En termes de pourcentages, la France ne connaît pas vraiment une poussée de l’extrême droite. Le résultat des présidentielles n’en est pas moins désastreux pour la gauche. Et l’onde de choc pourrait toucher toute l’Europe.

Une partie du choc était prévisible. Contrairement à l’image qui se présente a l’issue de ce premier tour des présidentielles, la France n’a pas connu une véritable poussée de l’extrême droite. L’analyse des scrutins dévoile une autre réalité: (malheureusement) ce penchant vers la droite n’est rien de nouveau.

Déjà en 1995 et en 1988, Jean-Marie Le Pen a su rassembler 15 pour cent des voix au premier tour des présidentielles. Les 16,91 pour cent de 2002 ne représentent pas un grand saut en avant. Et la „honte“ manifestée dans les rues des villes de France est donc en partie une honte tardive.

En chiffres: la droite a perdu près de 4 millions de voix par rapport à 1995, la gauche en a perdu seulement 1,5 millions. Rassemblant 10 pour cent des voix, l’extrême gauche a même vécu un succès remarquable. Malgré cet exercice d’arithmétique, les conclusions à tirer de ce premier tour ne pourraient être plus désastreuses pour la gauche: Premièrement, on ne saurait banaliser le fait que presque 17 pour cent des Français et Françaises veulent bien faire confiance à un homme qui tient des propos ouvertement racistes et xénophobes. Deuxièmement, Jacques Chirac est en tête du premier tour et sera très probablement réélu Président de la République dans deux semaines. Certes, il ne pourra pas vraiment se vanter de cette victoire, car trop nombreux sont les témoignages du genre „au lieu de voter facho, il ne me reste plus qu’à voter escroc“.

Troisième conclusion du vote-choc: Suite à son échec, Lionel Jospin se retire de la vie politique. Ce faisant, le leader de la gauche plurielle pousse celle-ci encore un peu plus vers le bord de l’abîme.

Bon nombre de commentateurs concluent que c’est Jacques Chirac qui a remis Jean-Marie Le Pen en selle en faisant de l’insécurité le sujet principal de sa campagne. Si cela explique en partie le come-back de l’homme de l’extrême droite, il n’est pas moins vrai que la manière dont la gauche a mené la bataille électorale y est également pour quelque chose.

Se donnant pluraliste, elle a été complètement surprise par sa propre disqualification. Jean-Marie Le Pen était apparemment le seul à vraiment prévoir le résultat. Au début de sa campagne électorale, il avait jugé que les conditions politiques ne lui avaient jamais été aussi favorables. „Je souhaite que Chevènement fasse le meilleur score possible.“ Jean-Pierre Chevènement, personnage tragique de la gauche, avait espéré le r®le du 3ème homme aux présidentielles. Atterri loin de là, il est aujourd’hui un de ceux qui doivent encourir le reproche d’avoir contribué à la victoire de Jean-Marie Le Pen.

Le vrai triomphe de Jean-Marie Le Pen se situe cependant à un autre niveau qu’à celui de son score. Car la France pourrait à la fin vraiment connaître une poussée de la droite. Le Pen au 2e tour, Chirac président probable, Jospin à la retraite – ces présidentielles semblent bien préparer le terrain pour des législatives conduisant à un gouvernement de droite qui mettrait fin à la cohabitation.

Et si les Néerlandais-es et les Allemand-e-s suivaient l’exemple? Dans toute l’Europe, la droite se réjouit des résultats des élections françaises. Sylvio Berlusconi y a discerné „une crise du socialisme conservateur, partout en Europe“ et une preuve que le „pendule politique“ de l’Europe qui s’était trouvé un temps sur la gauche s’est déplacé vers la droite. Pour la ministre des affaires étrangères autrichienne, Benita Ferrero-Waldner, ce qui se passe en France serait „une leçon tardive pour ceux qui ont pris des sanctions contre l’Autriche“ et le verdict français montrerait „la nécessité de s’occuper des questions de migration et d’insécurité“.

Une analyse qui plaira sans doute à Jean-Marie Le Pen et d’autres représentant-e-s d’un certain populisme de droite. Pour tous ceux et toutes celles qui ne veulent pas leur donner raison, il ne suffira donc pas d’avoir honte après coup. L’onde de choc des présidentielles françaises pourrait bien être assez forte pour toucher d’autres capitales en Europe.


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