JOSH GORDON/WILL SPECK: Valeurs familiales

« The Switch » est certainement un navet et un film qui ne vaudrait pas qu’on s’y attarde s’il ne livrait pas un excellent psychogramme de la société américaine.

Et oui, c’est son portrait craché…

Le film semble être taillé sur mesure pour son actrice principale, Jennifer Aniston. Celle qui s’est faite connaître pour le rôle qu’elle tenait dans la série « Friends » – une des plus profitables jamais tournées – se retrouve dans une intrigue amoureuse qui joue à peu près dans le même milieu, celui de la pseudo-bohème-chic new-yorkaise et avec les mêmes enjeux : est-ce que je continue à glander ou est-ce que je fonde enfin une famille ?

L’intrigue est vite racontée : le meilleur ami de Kassie (Jennifer Aniston), le trader névrosé et hypochondriaque Wally (Jason Bateman) fait une crise de jalousie énorme, lorsqu’il apprend que cette dernière veut par tous les moyens tomber enceinte. Et par tous les moyens, elle entend une insémination artificielle. Malheureusement, la sémence de Wally n’est pas vraiment ce qu’elle veut. Trop névrosé le type, après tout. Pourtant, elle veut connaître le donateur. Et c’est au cours d’une fête spécialement organisée pour l’occasion, qu’elle tombe sur Roland : beau gosse aux yeux bleus et professeur de littérature féministe, marié de surcroît. Au cours de cette fête, Wally, qui ne digère toujours pas la décision prise par sa meilleure amie, se retrouve – consommation excessive d’alcool oblige – aux toilettes et en compagnie de cette précieuse boîte de sperme, fraîchement donnée par son adversaire. Par « malheur », ses spermatozoïdes se retrouvent dans l’égout et Wally, pris de panique, décide de le remplacer par le sien – afin que personne ne remarque son geste. Le hic : vu son état, il fait un black-out total et ne se doute même plus de ce qu’il a fait. Ensuite, Kassie, qui est réellement tombée enceinte, quitte la grande pomme pour le Minnesota afin d’y élever son gosse en toute tranquillité. Sept ans plus tard, elle y retourne pourtant, car elle vient de décrocher un job important dans un studio new-yorkais. C’est alors que Wally fait la rencontre de Sebastian. Qui – oh, la grande surprise – est son portrait craché. Il n’a pas de beaux yeux bleus, mais à l’âge de sept ans il en sait des tonnes sur toutes sortes de maladies qu’il s’imagine avoir et présente en général un caractère assez lourd.

Tandis que l’« oncle » Wally se rend compte petit à petit que Sebastian est son fils et se souvient de son acte d’échange, ressurgit aussi Roland qui – fraîchement divorcé et pensant que Sebastian est son fils – drague lourdement Kassie. L’histoire, bien sûr finit bien?

Ce n’est pas tant l’intrigue qui est intéressante, mais la façon dont sont agencés les différents modèles psychologiques dans le film et l’ancrage de la cellule familiale dans la mythologie du cinéma américain. D’abord il y a Kassie, la femme atypique et libre qui veut briser le schéma de la famille traditionnelle en se passant d’un père. Puis Wally, le nevrosé – clins d’oeil pathétiques à l’univers cynique de Woody Allen inclus – qui aime Kassie, mais n’a pas le courage de lui avouer ses émotions. Le film est en quelque sorte son « coming of age », puisqu’à la fin, il est un père de famille comme les autres, comme les modèles dans les cadres de photographies que collectionne son fils. Finalement, Roland n’est que le type qui lui fait concurrence, un rôle sans vraie grande profondeur – l’adversaire qui devra rebrousser chemin à la fin.

On le voit : les caractères qui veulent ou se sentent le devoir de constituer la cellule familiale biologique dans ce film, sont les hommes. Et celle qui veut y échapper, se ravisera à la fin par une sorte de deus ex machina assez peu probable d’ailleurs.

Avec des films pareils, peu étonnant que le conservatisme reste présent dans la société américaine.

A l’Utopolis et au CinéBelval.


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