Dans « Source Code » Jake Gyllenhaal sauve Chicago, l’Amérique et, bien sûr, le monde de la destruction totale. Malheureusement la guerre contre le terrorisme, même cinématographique, n’est jamais propre et les spectateurs en sont les innocentes victimes.
Colter Stevens (Jake Gyllenhaal) se réveille un matin dans un train de banlieue en direction du centre-ville de Chicago. Face à lui, une jeune femme (Michelle Monaghan) qu’il n’a jamais vu de sa vie, lui parle de ses problèmes existentiels sur le ton de la connivence, tout en ne cessant de l’appeler Sean. Ce capitaine de l’US Air Force est d’autant plus décontenancé que son dernier souvenir remonte à une mission en Afghanistan. Huit minutes plus tard, le train est soufflé par une terrible explosion. Lorsqu’il reprend connaissance, un officier lui apprend qu’il participe au programme secret « Source Code », dont la clé de voûte est un procédé expérimental qui permet de faire revivre à un agent les huit dernières minutes d’une personne récemment décédée. En l’occurrence, Colter Stevens a été projeté dans le corps de Sean Fentress, l’une des nombreuses victimes d’un attentat commis quelques heures plus tôt. Il devra revivre autant de fois que nécessaire le court laps de temps précédant la détonation de la bombe afin d’en identifier les poseurs. Le temps presse car les terroristes ont annoncé que l’attentat du train n’était que le prélude a une attaque bien plus meurtrière. Au cours de son investigation Colter Stevens va également découvrir pourquoi il a été choisi.
A une époque où pour devenir esclave il faut avoir fait des études, même les blockbusters américains se doivent de faire preuve d’une certaine sophistication. L’exemple récent qui illustre le mieux cette tendance est celui du très cuistre « Inception ». Encore Christopher Nolan était-il parvenu, par-delà un scénario particulièrement roboratif, à faire de son film une sorte d’opéra grandiosement décadent, s’amusant à déformer et à détruire des métropoles méticuleusement bâties à la palette numérique, tel un dieu fou prenant un malin plaisir à triturer sa création. Rien de tel dans « Source Code ». Que découvre-t-on lorsque l’on gratte les épaisses couches de théories fumeuses à base de « physique-quantique-pour-les nuls » et de considérations pseudo-philosophiques sur la vie, la mort et le devoir ? Rien de plus qu’un banal film d’action doublée d’une comédie romantique ringarde et prévisible. En bref, le tout a autant de grâce qu’une Golf GTI d’occasion transformée en vaisseau intersidéral par l’art subtil du tuning.
Ce que « Source Code » apporte de plus intéressant, c’est un aperçu des regrets et des fantasmes de l’Amérique démocrate. Pour reprendre son vocabulaire et son idée de départ, ce film est comme une projection dans l’ère Clinton, celle d’avant George W. Bush, d’avant le 11 Septembre et les Croisades contre la Terreur, celle d’avant la crise économique. Le poseur de bombe n’est pas un intégriste musulman assoiffé de sang mais un terroriste d’extrême droite tout ce qu’il y a de plus américain, à l’image de ceux qui détruisirent à l’explosif le bâtiment fédéral d’Oklahoma City en 1995. C’est sur un profond regret qu’est construit le scénario, une question taraudante : Que serait-il arrivé si l’on avait pu changer le cours de l’histoire ? Le cinéphile, lui, peut encore échapper à ces crises de conscience. S’il ne veut pas être rongé par le remords de ses décisions passées, qu’il ne prenne pas celle d’aller voir ce film.
A l’Utopolis.