CONVENTION EUROPEENNE: Modestie institutionnalisée

Les débats à la Convention sont déjà timides. Mais au Luxembourg, quand on entend „avenir de l’Europe“, chacun-e ne pense qu’à défendre ses propres intérêts.

Les objectifs annoncés par la Convention européenne sont ambitieux. Cette assemblée de représentant-e-s des parlements et des gouvernements de l’Union européenne, constituée en début d’année, doit examiner les questions essentielles que soulève le développement futur de l’Union. Les élites de Bruxelles et de Strasbourg auraient-elles pris conscience de la crise de confiance des citoyen-ne-s envers le projet de la construction européenne, quant à sa forme aussi bien qu’à son contenu? Peut-on espérer que l’Union deviendra enfin une sorte d’Etat régulateur, organisateur et lieu de débat démocratique à l’échelle du continent, ce qui est indispensable pour résoudre les grands problèmes sociaux et écologiques d’aujourd’hui?

Hélas, la Convention européenne n’est pas le produit d’une idée généreuse, mais plutôt de la ringardise politicienne. Sa mise en place a été décidée lors du Sommet de Laeken, en décembre 2001, afin de résoudre un problème sur lequel les gouvernements s’étaient cassé les dents: trouver un consensus pour adapter les institutions à la situation d’une Union élargie à 27 Etats au lieu de 15. Cette fonction purement utilitariste risque de couper court à toute initiative allant dans le sens d’un „grand dessein“ pour l’Europe, comme l’idée d’une Fédération européenne, dotée de plus de pouvoir qu’aujourd’hui mais aussi de structures plus démocratiques. La revendication, avancée par des organisations comme Attac, de mettre en question l’essence même de l’Union actuelle, notamment son option pour le libéralisme économique, et d’y substituer une „autre Europe“ est évidemment écartée d’office.

Mardi dernier, lors du hearing organisé par les représentant-e-s luxembourgeois-es à la Convention, les discours étaient bien plus terre à terre. L’invitation s’adressait à „la société civile“ et „tout(e) citoyen(ne) intéressé(e)“. Dans la salle, il n’y avait que des représentant-e-s de diverses organisations, des syndicats jusqu’à l’Association des juristes spécialisés en contentieux communautaire. Chacun-e y a défendu sa cause et la plupart ont eu la politesse d’écouter les autres. A aucun moment n’y a-t-il eu de véritable discussion, à peine quelques ébauches de dialogue.

Il est vrai que cela partait dans tous les sens: les organisations de femmes demandaient à la Convention de multiplier les quotas, les syndicats réclamaient une présence dans les conseils d’administration, les architectes souhaitaient se protéger des concurrent-e-s étranger-ère-s, les ingénieur-e-s, au contraire, désiraient étendre leurs activités au-delà des frontières nationales. Même les diverses organisations de fédéralistes, face à cette chance unique d’exposer leur vision d’une réforme des institutions, perdaient leur temps de parole pour plaider la cause qui de la réglementation du commerce des armes, qui de la „base chrétienne“ du projet européen.

L’échange a pris un peu de hauteur lorsque Ben Fayot a soulevé la question du renforcement d’une politique économique communautaire. Actuellement, mis à part le marché et la monnaie uniques, ce sont en effet le laisser-faire et la concurrence entre Etats qui caractérisent l’économie européenne. La réponse de la part des représentants des organisations patronales était prompte: on risquerait de détruire les niches de souveraineté sur lesquelles est basée notre prospérité. Pour éviter cela, ils avançaient des propositions très précises en matière de réforme des institutions: avant tout, le maintien du droit de véto du Luxembourg en matière d’harmonisation fiscale. Aucune voix n’est venue contester cette expression très franche d’égoïsme national – précisons que les militant-e-s d’Attac étaient absent-e-s, tout comme les écologistes et les défenseur-e-s des droits humains.

Au Luxembourg, un peu plus encore qu’ailleurs, on espère passer le cap de l’élargissement et de la réforme institutionnelle sans changer véritablement quoi que ce soit. En attendant que le navire „Europe“ fasse naufrage dans les tempêtes qui s’annoncent à l’horizon.

Un commentaire de Raymond Klein


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