HISTOIRE: Henrique, Guilherme et Carlota

Le ministère de la culture a édité la traduction portugaise d’un bestseller de Gilbert Trausch. Implicitement, c’est l’aveu d’un oubli.

Comme si ça allait de soi. Sans explications plus fouillées, le ministère de la culture vient de publier une version portugaise de l’« Histoire du Luxembourg » de Gilbert Trausch. Lors d’une présentation à Bertrange, jeudi il y a une semaine, Charles Barthel, successeur de Trausch au poste de directeur du Centre d’études et de recherches européennes Robert Schuman (CERE), s’est substitué à l’auteur – non pour donner plus d’informations sur les motivations du gouvernement, mais pour esquisser les grandes lignes de cette publication du « plus grand historien luxembourgeois de la seconde moitié du 20e siècle ». Pourtant, des questions, on peut s’en poser. Pourquoi seulement maintenant ? Pourquoi cet auteur ? Pourquoi ce livre-ci ?

Les traductions de livres luxembourgeois sont assez rares, et c’est encore plus vrai pour l’historiographie luxembourgeoise. Mis à part quelques guides touristiques, il n’y a que « A short history of Luxembourg » de Paul Margue, éditée pour la première fois en 1970, qui puisse servir de comparaison. Et encore, cette brochure de soixante pages avait vraisemblablement été commanditée directement par le gouvernement.

La ministre de la culture, également présente lors de la présentation à laquelle avait invité la Confédération de la communauté portugaise au Luxembourg (CCPL), s’est également tue sur ses motivations et a préféré remercier la salle, supposée être représentative de la communauté portugaise passée et présente, « de nous avoir fait l’honneur d’être venus au Luxembourg ». L’adresse montre néanmoins que les motivations ont changé. Au-delà des touristes et des fonctionnaires européen-ne-s, – et en plus de la filière scolaire, où l’histoire luxembourgeoise devrait théoriquement être enseignée à tous les enfants, le gouvernement semble se rendre compte qu’il fait sens de transmettre aux personnes immigrées l’histoire leur pays d’accueil. D’ailleurs, selon la préface signée par l’obscur « Forum Portugal-Luxemburgo », créé au Portugal en 2002, on cible les « familles d’immigrants portugais résidentes au Luxembourg, dont beaucoup appartiennent à la 2e et 3e génération ». Il est vrai que cet exercice louable se fait avec un retard de plusieurs décennies, et sans s’appesantir sur l’omission d’une version analogue pour la communauté italienne.

Que le choix soit tombé sur un livre de l’historien Gilbert Trausch peut sembler à première vue évident. Cependant, la décision est peut-être davantage liée au prestige de l’auteur qu’au contenu du livre, car la première édition de l’« Histoire du Luxembourg » est parue en 1992. A part l’une ou l’autre photo échangée, sans doute pour des raisons de droit d’auteur, il n’y a que la table des familles régnantes qui ait été actualisée. Tous les autres tableaux et statistiques sont à l’état de 1992.

Alors que la publication évoque l’importance des travailleurs immigrés pour l’essor économique luxembourgeois, son chapitre sur l’immigration parle longuement du « mal luxembourgeois », c’est-à-dire du recul démographique de Luxembourgeois de souche très discuté il y a vingt ans, pour ensuite résumer sur quelques pages la question de l’intégration des personnes immigrées. Charles Barthel a essayé dans son discours de justifier le fait que le livre parle peu de l’immigration portugaise : « C’est encore trop tôt pour en dire beaucoup, les études scientifiques à caractère historique font défaut. » Mais depuis 1992, il s’est quand-même passé des choses, notamment dans le domaine de l’immigration. Plus généralement, d’autres auteurs ont depuis proposé des monographies sur l’histoire luxembourgeoise.

Avant que ne soit servi le porto, les personnes présentes ont pu apprécier les remerciements du directeur et de la ministre du genre « la richesse de ce pays serait impossible sans l’effort de vos compatriotes ». La discussion sur la difficile question comment intégrer les histoires des différentes communautés vivant dans un pays en une histoire commune n’a pas eu lieu. Dommage, car le Luxembourg en premier aurait besoin de surmonter la ségrégation en historiographie.


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