
La nouvelle installation dans le kiosque de l’Aica, place de Bruxelles, rompt agréablement avec les précédentes souvent trop abstraites pour être vraiment comprises du public. Car quiconque s’attarde maintenant devant la petite bâtisse risque d’y faire une macabre découverte. Au beau milieu de la vitrine, c’est un crâne noirci qui regarde le passant droit dans les yeux. Protégé par une cloche en verre et muni d’un symbole obscur, il peut faire froid dans le dos – ce qui, vu les températures actuelles, n’est pas vraiment un bienfait.
Pourtant, l’installation baptisée « The Shrine » par son créateur Mik Muhlen se veut bien plus qu’une simple oeuvre d’art qui choque le spectateur. Selon lui, c’était surtout le lieu en dehors des murs d’un musée qui l’intéressait. Car la représentation d’un crâne – ou en ce cas l’exposition – est un code bien connu de l’histoire de l’art : le célèbre memento mori. Ce rappel de la mortalité, qui était déjà présent dans la Rome antique où les esclaves le répétaient à leurs maîtres, pour qu’ils ne se sentent pas au-dessus de tout, a traversé les siècles et est connu sous nos latitudes surtout à travers les oeuvres de Hans Holbein ou encore de Hieronymus Bosch. C’est ce dernier qui semble avoir inspiré avant tout Muhlen, car l’entourage du crâne, s’il est assemblé comme un autel, a aussi un aspect surréaliste cher au grand maître mystérieux du Moyen Age. En effet, tous les éléments sont soit noircis, soit dorés – ne laissant aucune place à des couleurs qui appelleraient à la vie, l’espoir ou le sexe, comme une touche de rouge le ferait.
Non, dans « The Shrine », tout est stylisé. Et au-delà de la question de la vanité de la vie, se pose aussi une autre, plus actuelle celle-ci : la pertinence de la religion et du sentiment religieux dans ce 21e siècle à peine entamé. Un assemblage de symboles suffit-il pour faire naître des sentiments, ou du moins des réflexions religieuses ? Ou est-ce que l’homme du 21e siècle a toujours besoin du sacré, de la cérémonie et de sermons pour se retrouver dans sa spiritualité ?
A partir d’un assemblage assez simple mais esthétique – sur ce point, il faut mentionner que Mik Muhlen a aussi fait les couvertures du défunt groupe de death metal « Ex Inferis », dans lequel officiait son frère Kevin, actuel directeur artistique du Casino – Forum d’art contemporain – l’artiste nous plonge dans une multitude de questions métaphysiques auxquelles on ne s’attendait pas forcément en visitant le kiosque de l’Aica, habituellement rompu à l’art conceptuel, voire abstrait.
Encore jusqu’à la fin mars.