LA FIN DE L’ORTHODOXIE LIBERALE: Déflation: No pasará!

Face au danger d’une déflation, une large alliance se noue contre les politiques monétaires orthodoxes de la Banque centrale européenne. La gauche radicale ne peut pas crier victoire pour autant.

Quand, en octobre 1997, le sociologue français Pierre Bourdieu dénonçait la „pensée Tietmeyer“, du nom du président de la Bundesbank, les dogmes libéraux règnaient en maî tres absolus en matière de politique monétaire. Ramener l’inflation vers zéro et éviter les déficits budgétaires, tels étaient les objectifs des artisans des critères de convergence vers l’euro et du fameux pacte de stabilité. Peu d’économistes osaient critiquer les politiques d’austérité qui s’ensuivaient à la fin des années 90. Quelques-uns continuaient à expliquer, dans l’esprit de Keynes, que ni l’inflation ni l’endettement n’étaient le mal absolu, mais de simples ingrédients nécessaires à une politique économique au service du progrès social.

Peur de l’inflation? Aujourd’hui, ce qui hante aussi bien les économistes que les politicien-ne-s, c’est le spectre de la déflation. Certes, une inflation, une hausse des prix trop rapide, peut conduire à des dévaluations et à une crise de confiance, mais les banques centrales, à travers une politique monétaire restrictive, ont les moyens de combattre ce phénomène. En cas de déflation, les prix baissent sur une large échelle et la consommation comme l’investissement s’effondrent parce que tout le monde diffère ses achats. Il n’y a pas de moyen pour faire redémarrer l’économie, et on passe par une crise de longue durée. Voilà qui fait dire aux experts que le meilleur moyen de combattre la déflation, c’est de l’éviter.

C’est dans une situation où les prix commencent à stagner en zone euro que de nouvelles critiques sont adressées aux tenants de l’orthodoxie monétaire qui aujourd’hui se retrouvent non pas à la Bundesbank, mais à la Banque centrale européenne (BCE). „La BCE devrait donner un signal clair au marché, en baissant son taux directeur plus rapidement“, a expliqué mardi dernier Rafael Lamas, économiste belge, lors d’une conférence organisée par l’OGBL. Mais baisser le taux, cela pourrait engendrer de l’inflation et mettre en danger la stabilité monétaire, la vache sacrée de la BCE. C’est pourquoi son président préfère nier le danger, et continue à mettre en garde les Etats contre des déficits budgétaires.

Avec une telle approche, la BCE risque de se retrouver de plus en plus seule. Déjà la France et même l’Allemagne – naguère chantre de la monnaie rare – se retrouvent durablement en infraction avec le pacte de stabilité: leurs déficits dépassent les trois pour cent. De plus en plus d’économistes et de politicien-ne-s réclament un assouplissement des règles, afin d’éviter le pire.

Assiste-t-on à une victoire tardive des critiques de la „pensée unique“? Ce n’est pas si évident. Certes, l’orthodoxie monétaire est en général défavorable aux salarié-e-s. Mais que l’abandon de cette orthodoxie leur soit favorable n’a rien d’automatique. Assouplir les politiques monétaires et budgétaires, voilà le credo de l'“union sacrée“ qui rassemble la gauche radicale, les forces social-démocrates et une partie de la droite contre la BCE. Mais on en reste là. Lors de la conférence de Rafael Lamas, aucun intervenant n’a fondamentalement remis en question le modèle libéral. On a parlé d'“une dose de keynésianisme“, mais aussi des „réformes structurelles également nécessaires à la croissance“. Ainsi, une fois la crise évitée, les luttes pour la répartition des revenus entre travail et capital reprendront de plus belle. Et les héritier-ère-s politiques de Pierre Bourdieu risquent à nouveau de se retrouver seul-e-s.


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