Monica Bellucci, belle à damner un prêtre et Guiseppe Sulfaro, craquant dans son rôle de môme de 13 ans épousent à merveille l’univers nostalgique et poétique de Guiseppe Tornatore.
Cela commence comme une douce comédie, dans un village ensoleillé de Sicile, tout entier voué à la cause du Duce, pendant la Seconde Guerre mondiale. Lentement, Guiseppe Tornatore nous conduit à travers les ruelles, juché sur le vélo d’un môme de treize ans en proie à son premier émoi amoureux, suiveur discret de la magnifique Malena (Monica Bellucci). Renato, ce jeune garçon aux fantasmes encombrants devient l’ange gardien muet et impuissant de Malena, la plus belle femme du village, celle qui n’indiffère personne; ni les maris, ni les épouses qui la considèrent comme le mal réincarné, la briseuse de ménages. Pourtant, Malena est fidèle à son époux, amoureuse même. Elle n’a rien d’autre à se reprocher que sa trop parfaite beauté, son port altier de nature à susciter les pires jalousies mais aussi les plus basses convoitises. Il n’existe pas plus mauvaises dispositions pour vivre et s’intégrer dans une petite ville de Sicile.
L’univers De Guiseppe Tornatore, habité de fantasmes, mâtiné de nostalgie avec cette note poétique et cet accent sicilien nous avait déjà ravis avec Cinéma Paradisio. Il nous revient aujourd’hui, après avoir emprunté quelques chemins de traverse avec ce „Malena“ où l’on retrouve beaucoup de lui-même dans ce jeune garçon joué par le craquant Guiseppe Sulfaro: „c’est clair que mon adolescence ressemble plus à la sienne qu’à celle des adolescents d’aujourd’hui, même si je n’ai pas connu une telle répression“, confie Tornatore. La Sicile, où le réalisateur est né en 1956 et où il passa les vingt premières années de sa vie reste son lieu de prédilection quand il s’agit de raconter une histoire: „La Sicile recèle tous les éléments essentiels d’un film; on y retrouve tous les conflits envisageables dans la nature humaine, un équivalent au grand Ouest où chaque ville semble être le cadre du combat éternel entre le Bien et le Mal“
Un compat éternel
C’est précisément de ce combat éternel que le jeune Renato fera l’expérience passive, dans la seconde partie du film. Peu à peu, la douceur de vivre, va faire place à l’amertume, lorsque Malena apprend la mort de son mari parti à la guerre. Les gens du village ne lui apporteront pas le moindre soutien, au contraire, ce veuvage ne sied décidément pas à Malena à laquelle ils attribueront toutes sortes de liaisons secrètes. Voilà la jeune femme rejetée, isolée, obligée de se débrouiller seule pour subvenir à ses besoins et entretenir sa maison. Les hommes en profiteront comme on le fait d’une femme qui n’a plus que sa beauté à offrir. Seul Renato, témoin de cette descente aux enfers, se refusera à condamner sa belle et deviendra son sauveur anonyme.
On passe soudain de l’évocation pleine de tendresse de l’éveil sexuel d’un adolescent, à un manifeste haut en couleur contre l’intolérance et la bêtise humaine. C’est finalement l’apprentissage de la conscience et le deuil de l’innocence que vivra Renato, toujours fidèle à sa Malena, malgré le sceau de l’infamie qu’elle subira de la part des femmes du village et dont elle se relèvera de manière bouleversante. Un rôle qu’assume magnifiquement Monica Bellucci, tout simplement belle à damner un prêtre mais aussi admirable actrice. Il y a quelque chose de Romy Schneider dans ce regard de femme blessée, même si on a tendance à la comparer à Isabelle Adjani tant la ressemblance est grande. Avec le rôle de Malena, Monica Bellucci a définitivement gagné ses galons de comédienne.